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Commentaire de Joe Chip

sur Alain Soral - A coeur ouvert et sans concessions - Meta TV


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Joe Chip Joe Chip 18 juin 2014 14:27

J’imagine parfois qu’il y a une section entière de l’UPR dédiée uniquement à l’analyse approfondie des liens entre le Front National et la secte Moon via la CIA (et inversement).

Plus sérieusement, j’ai l’impression qu’il y a quelque confusion au sujet du "despotisme éclairé". Je ne sais pas ce que Soral entend par-là - enfin si, un peu - mais le concept de despotisme éclairé renvoie à un contenu politique précis qui s’inscrit dans la philosophie politique occidentale et l’héritage moderne des Lumières.
Le terme ne fait pas référence à un autocrate doté d’une intelligence supérieure ou à un dictateur dont les choix seraient mystérieusement aiguillés par la raison souveraine, mais plutôt à l’action profondément réformatrice des monarques du XVIIIème siècle influencés par la pensée philosophique moderne : Catherine II s’entourant de Diderot, Frédéric II s’entichant de Voltaire, Rousseau rédigeant des textes constitutionnels pour la Pologne, la Corse, etc.
Pour autant que je sache, Chavez, Khadafi et d’autres que l’on a pu abusivement qualifier de "despotes éclairés" n’ont jamais construit leur pouvoir sur cette base rationaliste. Leurs exemples démontrent plutôt le caractère "fourre-tout" de ce concept, qui désigne désormais un dictateur essayant vaguement de moderniser son pays, ou plutôt de singer certains aspects de la modernité occidentale dans le seul but de renforcer le caractère personnel de son pouvoir (ex : Corée du Nord) et d’apaiser la mauvaise conscience des régimes démocratiques dont il défend localement les intérêts diplomatiques et/ou commerciaux... 
Au contraire, un "despote éclairé" est avant tout un souverain qui concentre suffisamment de pouvoir sur sa personne pour mettre en place des réformes économiques et politiques audacieuses inspirées par la raison, le libéralisme philosophique, etc. Catherine II a profondément modernisé et, dans une certaine mesure, libéralisé la Russie tout en exerçant dans les faits le pouvoir et les responsabilités d’un monarque traditionnel. Le despotisme éclairé se présente donc historiquement comme une sorte de consensus politique entre l’essence traditionnelle du pouvoir et le culte moderne de la raison.
Si on s’en tient à des définitions strictement politiques, le totalitarisme moderne inverse totalement ce rapport en rejetant tout traditionalisme (nature moderniste originelle du fascisme italien relevée par Soral, destruction pure et simple par les bolchéviques des structures traditionnelles de la société russe) et en intégrant au contraire une dimension démocratique ou plébéienne qui prétend ainsi s’exprimer au nom de l’intérêt supérieur du peuple. De ce point de vue, le despote éclairé n’est pas ou ne peut pas être un dictateur au sens moderne du terme.

Il faut savoir que c’est ce type de régime qui avait à l’époque les faveurs de Voltaire ou de Rousseau (qui croyait uniquement à la démocratie et à la subsidiarité politique à petite échelle) contre le régime républicain et la démocratie. Pour Voltaire, le despote éclairé était même le seul garant possible du maintien des libertés face à un pouvoir démagogique et autoritaire qui se dissimulerait derrière l’assentiment du "peuple".

Sur le fond, Soral n’a donc pas tort mais je crois qu’il est de toute façon plus enclin à la sympathie envers les dictateurs et les autocrates fantoches qu’envers le despotisme éclairé qui renvoie directement aux Lumières.

Pour citer des exemples français, Napoléon III fut un despote (relativement) éclairé qui modernisa profondément l’économie française et les infrastructures du pays. Mais c’est de Gaulle qui est pour moi l’archétype du despote éclairé moderne. En dix ans, il a fait passé un pays symboliquement vaincu et exsangue à l’âge du nucléaire et des avions supersoniques. La France, dans sa structure politique profonde, ne s’est jamais converti totalement à la démocratie libérale et à la société de marché à l’anglo-saxonne, d’où le marasme actuel et les critiques acerbes des élites européennes et américaines.
Certains me diront que De Gaulle était "démocrate". Question de point de vue. Demandez à un journaliste comme Alain Duhamel ce qu’il pense de l’ORTF. Et on peut se demander si de Gaulle, en quittant le pouvoir suite à un référendum, a agi en démocrate conséquent ou, paradoxalement, en despote assumé...


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