Parisiânerie (partie 2) lettre de Blanrue à son ex ami Mhoax’
Mhoax... Ridicule sur la forme mais instructive sur le fond, Ruquier le
sait il, le passé de son nouveau Moix ? Sans doute, mais ça ne doit pas
le gêner aux entournures du pourtour de l’anus plus que ça.
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Nos discussions tournaient principalement
autour des filles (draguées, manquées, aimées, épuisées !), de Sacha Guitry (que
je te fis connaître malgré tes réticences avant l’un de tes départs pour le
Brésil), de Marcel Baudouin, Céline, Carl Barks, Georges Cziffra (à la science pianistique
duquel je t’initiai), Cosmo Kramer et George Costanza, Martin Heidegger, Larry David, Ricky Gervais, Hitler, Maximin Giraud
dit Mémin, Kennedy, Christian Godard, Gérard Majax et Sylvain Gary, Benny Lévy,
Fernandel, Lucien Rebatet, Alphonse Daudet et Paul Arène, Chesterton et Hilaire
Belloc, et puis de nos villes d’élection São Paulo et Venise, de
l’intégralité des émissions d’ “Apostophes” et des “Archives du XXe siècle”
disponibles sur l’INA, et encore de tout le petit monde étriqué de l’édition
que tu exécrais tout comme moi.
Il faut être sincère : j’ai rarement vu
quelqu’un ayant la tête aussi peu politique que toi. De toute évidence, tu
n’étais pas un vitupérant gauchiste, puisque Le Pen ne te déplaisait pas, mais tu
étais dénué d’idéologie et de parti pris dogmatique. À tel point que certains des
sujets délicats que j’abordais en exerçant ma liberté sans complexe faisaient
briller tes yeux comme des De Beers. En t’observant, on pouvait parier que ce n’est pas dans les locaux
de La Règle du jeu que tu en entendais
de pareilles ! Je mentirais si je disais que le souvenir du fameux briquet de
la République sociale italienne était absent de nos conversations. Je crois
bien qu’il finit par atterrir dans ta poche. Qu’en penses-tu ? Comptes-tu me le
rendre un jour ?
Je m’amusais souvent à t’expérimenter, te conduisant sur un terrain glissant, t’encourageant
par mes remarques enthousiastes à suivre le cours de tes réflexions devenues sulfureuses
malgré toi ou te lançant des perches afin de t’inciter à sauter plus haut que
tu ne l’eusses fait sans ma pernicieuse présence - un saut périlleux que tu parvenais
souvent à réaliser à ma grande joie (et à la tienne) !
En quelque sorte, j’étais devenu ta bonne
conscience : tout ce qui t’était interdit de dire en public du fait de ton
statut d’israélophile encarté et de tes relations bobos castratrices, tu me le
lâchais en privé ou me le faisais assumer en riant à gorge déployée à mes tirades
transgressives. Docteur Yann et Mister Moix ! Je t’offrais la possibilité de
vivre quelques heures par jour la vie que tu aurais voulue mener si la Shoah
n’était pas devenue une religion et d’exprimer en cachette les propos que tu
aurais aimé tenir si tu n’avais pas choisi la voie du succès contre le monde du
silence.
Par surcroît, j’étais un témoin insigne de
ton être intérieur, te permettant de t’endormir chaque mauvaise nuit en pensant
qu’il existait au moins un type sur terre comprenant qui tu étais vraiment, sachant
ce que tu pensais au fond de toi quand tu cessais d’être un schizophrène de
profession et que tu ne t’abîmais pas dans des capucinades échevelées inventées
pour satisfaire tes mentors et tes mécènes ou impressionner un fade public, les
branchés sans électricité et autres demi-soldes de la culture. Beaucoup de nos
relations communes te prenaient pour un mou salaud, un opportuniste ayant vendu
son âme au diable pour réussir dans le métier, mais ce bon vieux Blanrue savait
que ton âme n’était pas si noire qu’elle paraissait et n’ignorait pas, en vrai
zététicien, que certaines apparences sont trompeuses ! Je contribuais ainsi à
te sauver à tes propres yeux, et, un
jour, peut-être l’espérais-tu, devant l’histoire (c’est ce que je suis en train
de faire en ce moment-même).
Ai-je dit que je t’avais également chuchoté dès
l’origine que j’étais un ami personnel de Robert Faurisson ? Non ? Alors c’est
le moment de rappeler cette histoire à ton bon souvenir, ne crois-tu pas ? Rencontrant
régulièrement le professeur à Vichy ou lors de ses venues dans la capitale, correspondant
avec lui au quotidien par e-mail, je n’ai jamais été, tu l’admettras, du genre
à me cacher devant toi de la proximité que j’entretenais avec cette sulfureuse personnalité
qui avait, d’ailleurs, peu de secrets pour toi (nous en reparlerons un jour,
dans mes mémoires, si Dieu me prête vie). Je ne suis pas cachotier et m’épanche
sans souci sur cette affaire du moment qu’on me le demande gentiment. Or non
seulement tu me le demandais, mais tu en redemandais, mon Yannou, et combien goulûment
! Qui en était ? Qui n’en était pas ? Ça te passionnait ! C’était amusant, n’est-ce
pas, de deviser de la Chose interdite entre toutes, confortablement assis à
l’ombre des platanes des Hortensias en fumant un D4, entre une blague sur les “chtrols”
et un panégyrique de Mylène ou d’Elsa ? Yann Moix, bras droit de BHL, s’exposant
chaque jour en terrasse avec un proche de celui que ses employeurs sionistes et
toute la France officielle tenaient pour le parfait salaud, l’homme à abattre,
l’assassin toutes catégories confondues de la Mémoire, l’immonde raclure dont
le nom ne devait jamais être prononcé sous peine de mort sociale, ça avait de
la gueule ! On les emmerdait bien, pas vrai ?
Je dois admettre que jamais il ne te prit l’idée
de me recommander la discrétion à ce propos. Peut-être pensais-tu que j’étais
aussi apeuré que toi à l’évocation publique du révisionnisme et considérais-tu que
tu étais le seul de mes amis à obtenir de moi des confidences d’une si étrange
nature. Je me rendais bien compte que tu changeais brutalement de sujet lorsque
l’une de tes relations professionnelles, oeil torve, bouche lippue et
bas-du-cul, déboulait à notre table ; j’avais déjà noté chez toi une propension
certaine à la lâcheté. Ce nonobstant, je me souviens qu’un jour, tu m’assuras
que si par malheur l’on me lynchait en raison de ce voisinage scandaleux, je
pouvais compter sur toi, craché, juré. Tu répétas à plusieurs reprises, pour te
convaincre toi-même sans doute, que tu demeurerais fidèle à notre amitié même
si le ciel d’Israël venait à se fracasser sur ma pauvre tête de goy vénitien
privé de ghetto.
Je ne te crus pas ; la préface que tu consentis
à écrire pour Le Monde contre soi –
Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme paru aux
éditions Blanche en 2007 me fit penser, un moment, que je t’avais soupçonné à
tort d’être le porteur d’une paire de couilles en verre de Murano. Hélas, l’avenir
donna raison à mon instinct.
Il y eut pour commencer l’affaire de la
pétition contre la loi Gayssot en 2010. Nous avions longuement parlé de cette
dégueulasserie liberticide et tu partageais mon sentiment, mon exaspération. Le
Parlement n’a pas à écrire l’histoire, punto
finale ! Dans aucun pays totalitaire, jamais, une telle loi n’avait été
osée ; les dictateurs les plus sanguinaires eux-mêmes, de droite comme de
gauche, n’y avaient point songé. Mais depuis le 13 juillet 1990, dans le pays
de Voltaire et de Céline, à cause d’un député stalinien et d’un Fabius aux mains
sanglantes, tout opposant à cette foutue législation était tenu pour un
partisan du génocide ! L’histoire n’était plus libre mais cadenassée, la pensée
était verrouillée sans que personne ne réagisse. Pour fissurer le mur du
silence et de la peur, je m’étais juré de monter un jour au créneau, au risque
de me prendre une flèche dans les côtes et de briser dans l’oeuf ma carrière
historique, littéraire et cinématographique. Connaissant le fond de l’affaire,
tu m’avais approuvé sans réserve.
L’emprisonnement de Vincent Reynouard au
mois de juillet 2010 me décida de franchir le pas. Le 10 août, je lançai la
pétition sur Internet, une première dans l’histoire. Pour ne pas mettre les
signataires dans l’embarras et rester neutre, j’avais tenu à spécifier qu’il ne s’agissait pas “de soutenir les idées de Vincent
Reynouard mais de défendre son droit à les exprimer”.
Je me consacrai seul à cette mission durant des mois. Je fis le tour de mes
relations : Jean Bricmont fut le premier à m’apporter son amical soutien. Noam
Chomsky nous appuya ; le cofondateur d’Apple Steve Wozniak, des libertaires, des gauchistes, des journalistes comme ton vieux
pote Dominique Jamet, et bien sûr des révisionnistes, tous m’adressèrent leur paraphe
sans barguigner. Jour après jour, je te tins informé de l’évolution de
l’affaire. Ah, ça t’aguichait !
Devant cette vague montante de protestations,
je te sentais de plus en plus détendu et enhardi. Il était patent que BHL et sa
cour de laquais te sortaient par les narines et qu’à quarante piges tu ressentais
la marque du collier comme une injure faite à ta qualité d’être humain. C’était
pour toi l’occasion rêvée de leur faire la nique et de t’évader de la prison
dorée dans laquelle tu croupissais, avec vue imprenable sur la mer Morte.