Je me permets d’intervenir. Je ne connais pas du tout cette affaire,
je cherchais une synthèse et je suis tombé sur le
lien de zatara.
Je commencerai par préciser qu’il
y’a très peu de choses aussi pernicieuse dans une société que la calomnie, ce
comportement détestable n’a besoin ni de témoins, ni de confrontation ni de
rien circonstancier, pour réussir et persuader. Tout individu pouvant être
calomnié par un autre, c’est une source perpétuelle de haines et de divisions qui amène à la guerre de tous contre tous et à
la ruine de l’intérêt public. Raison pour laquelle elle doit être sévèrement réprimée,
elle fait partie avec l’incitation à commettre une infraction, l’une des limites sine qua non à l’expression.
A titre personnel , si j’étais
calomnié pour quelque chose d’aussi grave que la pédophilie , ça se réglerait au
tribunal si mon calomniateur est chanceux , sinon j’espèrerai pour lui qu’il
sait mieux faire usage de la violence physique que moi parce que je
considérerai qu’il me déclare une guerre personnelle et qu’il veut ma perte en
me jetant en pâture à la vindicte populaire , par conséquent je m’arrogerai le
droit d’attenter froidement à son
intégrité physique et s’il devient paraplégique , je considérerai que c’est lui
qui aura cherché la bataille et que moi je n’aurai fait que me défendre.
Ensuite, il y’a une différence
entre l’accusation et le soupçon. Un enquêteur, sur un faisceau de présomption,
peut se dire « là, il y’a quelque chose de bizarre, je ne le sens pas ».
Quand bien même il n’y a aucune preuve, c’est une question de flair , d’intuition.
C’est ainsi qu’on a des policiers qui discutent entre collègue sur la nécessité
d’enquêter sur un homme , l’un va dire qu’il faudrait tout de même vérifier
certaines choses et un autre va lui répondre qu’il se fait des idées et que ce
n’est pas nécessaire. Si une enquête est menée, ce ne sera pas à l’appui d’un mandat
puisqu’il n’y a aucune preuve, aucune plainte, aucune victime et qu’elle ne se
base que sur le flair et l’intuition d’un professionnel.
Ce que je veux dire, c’est qu’il
ne faut pas rejeter cet aspect là des choses, il ne s’agit pas toujours d’un délire
interprétatif. On retrouve ce phénomène dans
d’autres activités, par exemple un
médecin qui soupçonne une pathologie multi-systémique chez un de ses patients
mais sans symptômes clairs et qui discute avec des collègues sur l’éventualité de faire des examens complémentaires qui vont
dans le sens de son intuition. Ou encore un chercheur qui mène des études sous
un angle bien précis parce qu’il a l’intuition qu’il va trouver quelque chose de
cette manière.
On est dans quelque chose de subjectif,
c’est un ressenti, une impression qu’il y’a peut être quelque chose. Parfois,
ça ne débouche sur rien mais d’autres cas il s’avère que l’enquêteur, le médecin,
le chercheur trouve réellement quelque chose de tangible.
Le problème, c’est qu’en principe , ce doit être des
professionnels qui parlent de ces éventualités en petit comité, ces soupçons ils ne les exposent pas sur la place publique,
un inspecteur qui soupçonnerait un homme sans aucune preuve ne pourrait pas passer à la
télévision pour dire « je n’en sais rien mais mon flair me dit que je dois
enquêter sur monsieur x pour tel crime », ce serait une faute professionnelle
extrêmement grave.
Là, je ne connais pas cette affaire
de pizzagate mais il me semble que les réseaux sociaux s’en soient emparés, il
est facile d’imaginer les débordements émotionnels et passionnels que cela peut
susciter, surtout qu’il s’agit de pédophilie. La question, c’est comment en est
–on arrivé là ? Je pense qu’il faut chercher la réponse du coté de la
défiance générale des citoyens pour les pouvoirs publics. Quand on voit des
oligarques s’en tirer pour des affaires de corruptions bien documentés, on a
tendance à se dire que tout ça constitue un groupe d’intérêt intouchable et que
s’ils sont impliqués dans des affaires de corruptions sans être condamné , il n’y
a aucune raison de ne pas penser que ce soit le cas dans d’autres affaires
comme la pédocriminalité , d’autant plus qu’il y’a des antécédents.
Pour éviter que tout cela ne parte
en vrille, il faut redonner un sens à la notion de justice indépendante et
impartiale. Sinon, à l’ère d’internet, on va entrer dans une ère de défiance et de
chasse aux sorcières généralisée …