C’est brouillon. Il n’a pas la pédagogie d’un
Christophe Guilluy. Un grand absent : le fascisme en Ukraine. Le
fait qu’il ne soit même pas cité dans la liste des régimes
fascisants est révélateur. Bruno Palheta
aurait pourtant, avec l’Ukraine,
la possibilité
unique d’étudier le fascisme in vivo. Il verrait notamment que le
fascisme n’est pas nécessairement un phénomène de masse :
il est minoritaire en Ukraine, ce qui ne l’a pas empêché de
prendre le pouvoir, de s’y maintenir et
d’imposer son idéologie. Il suffit d’un
appui étranger. Il suffit de contrôler
les postes stratégiques (police, services de renseignement, armée),
d’avoir des milices et des bataillons punitifs qui terrorisent la
population et même le
gouvernement, d’avoir des militants
fanatisés façon antifas pour empêcher les gens de s’exprimer,
d’avoir un site internet (Mirotvorets)
qui publie les coordonnées des « impurs »
idéologiquement pour ceux qui voudraient aller les tuer. Petite
parenthèse : je suis sûr que les antifas rêvent de faire la
même chose. Il suffit d’un matraquage
propagandiste qui lave les cerveaux et criminalise les
opposants, qui criminalise la pensée tout
court. Il suffit
que les pays occidentaux et leurs médias ne s’y intéressent pas,
feignent d’ignorer ce qui s’y passe, regardent ailleurs. Il
suffit de rendre tout changement de politique impossible par la
menace d’un putsh. Il suffit de soigner les apparences en
organisant des élections qui ne servent à rien.
Tout ça pour dire que le fascisme rampant, qui
garde l’apparence de la démocratie et qui
s’installe progressivement par dérive autoritaire du
pouvoir déjà en place est bien plus à
craindre que le fascisme « folklorique »,
costumé et nostalgique d’un passé
révolu tel qu’il existe en Ukraine et
qui ne se maintient que parce qu’il est utile à l’État profond
étasunien. Palheta parle, surtout vers la
fin de l’entretien, du danger des politiques néolibérales à
marche forcée. C’est bien, mais il ne
voit le fascisme que comme un ennemi extérieur qui risque de prendre
le pouvoir. Je
pense que le fascisme, plutôt que par une
prise du pouvoir, risque davantage d’émerger petit à petit de
l’intérieur même du pouvoir, que ce soit par la manière forte et
brutale, ou que ce soit
de manière orwellienne.