@micnet
« Au
fond, c’est la dimension universaliste de toute idéologie qui est mauvaise, peu
importe l’idéologie. A partir du moment où celle-ci a vocation à s’imposer sur
toute la planète, elle est dangereuse ! »
------> Ça
me fait penser au conflit qui existe en ce moment entre deux factions féministes : les postcoloniaux
d’un côté et les universalistes de l’autre :
-Les féministes
postcoloniales reprochent aux féministes universalistes une prétention à rendre
valables pour l’ensemble des femmes des traits spécifiques aux bourgeoises
occidentales et de condamner à un statut d’infériorité les femmes qui ne se conforment
pas à leurs prescriptions. Les féministes postcoloniales affirment que l’expérience
des femmes occidentales des classes moyennes supérieures et supérieures n’est
pas la situation universelle d’oppression des femmes et qu’il faut prendre en
compte la diversité des réalités historiques, géographiques et sociales des
femmes. En cherchant à parler au nom de toutes les femmes, les féministes
universalistes se seraient mises à proposer des voies d’émancipation calquées
sur leur propre situation faussement universelle. Par exemple, l’accent qu’elles
ont mis sur le travail salarié comme moyen d’émancipation reflèterait leur
appartenance aux catégories sociales les plus élevées puisqu’à l’époque où ces bourgeoises
revendiquaient leur droit à être sur le marché du travail et à exercer une
activité salariée, d’autres femmes avaient quant à elles toujours travaillé à
l’extérieur de leur foyer pour subvenir aux besoins de leur famille ( d’où la
célèbre pique d’Audrey Lorde qui demandait aux féministes universalistes « Que
faites-vous du fait que les femmes qui nettoient vos maisons et s’occupent de
vos enfants pendant que vous participez à des conférences sur les théories
féministes sont pour la plupart des femmes pauvres et/ou issues du tiers monde
? »).
-Ce à quoi
les féministes universalistes ( qui se définissent elles aussi très souvent comme
de gauche) répondent qu’en raison de leur tendance à rejeter systématiquement la
validité de certaines caractéristiques communes aux femmes indépendamment des
cultures et des classes sociales, les féministes postcoloniales rompraient avec
la tradition des lumières. Pire, du fait de leur valorisation obsessionnelle
des particularismes culturels, elles remettent paradoxalement au goût du jour
l’imagerie exotique et méprisante que les puissances coloniales plaquaient sur
leurs conquêtes. Au nom de l’anti-occidentalocentrisme, les féministes
postcoloniales régurgiteraient un essentialisme culturel que la gauche considère
comme un socle idéologique de la domination impérialiste. Les féministes
universalistes leur reprochent aussi de faire ce que ces féministes
postcoloniales les accusent de faire avec les femmes en général, à savoir d’homogénéiser
un féminisme universaliste qui se caractérise par sa diversité.
Même si je ne
me considère pas moi-même comme féministe, je trouve ce conflit interne au
féminisme très intéressant en ce sens qu’il ouvre mon champ de vision sur la
notion d’universalisme, il me rappelle par certains aspects le débat qui
opposait Claude Levi Strauss qui expliquait que les colonisateurs occidentaux
ont baptisé « universel » leur civilisation particulière à ses
détracteurs.