• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


Commentaire de BA

sur François Bégaudeau : l'idéalisme de l'extrême droite et les impasses de la gauche


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

BA 6 juin 2022 06:40

Fatiha Boudjahlat : « L’Éducation nationale est une pyramide de Ponzi qui va bientôt s’effondrer. »


Les caméras de France 2 se sont prêtées de bonne grâce à l’opération de communication désolante de l’académie de Versailles sur son « job dating », 30 minutes pour devenir prof. Cela tient de Tinder, cet «  adopte-un-prof », c’est le coup d’un soir. Ils ne seront formés que quelques jours en août, pour boucher les trous créés et creusés par une décennie d’austérité budgétaire. Il y a de l’argent, le ministre Blanquer avait même rendu 300 millions d’euros de crédits non utilisés l’an dernier.


Mais l’argent n’est plus utilisé pour assurer un vivier de professeurs diplômés, compétents, formés, recrutés sur concours. Il sert à communiquer, il se perd en « projets Zinnovants », dotations de tablettes, arrosage des associations de parents d’élèves, des syndicats de lycéens (comme si être lycéen était un métier), financement du dialogue social par des décharges horaires et avantages pantagruéliques accordés aux délégués syndicaux qui finissent tous à la hors-classe pour prix de leur complaisance.


Mais partout en France, et particulièrement dans les académies difficiles comme celles de Créteil et de Versailles, les effectifs sont à l’os, les profs absents pas remplacés ou très mal. Les rectorats et quelques fois les parents d’élèves passent des annonces sur le site Leboncoin, testent LinkedIn, etc.


Le métier ne fait plus recette. Il y a un vrai déclassement social et même intellectuel des enseignants. On exige pourtant des derniers venus qu’ils aient dorénavant un Master 2, qui ne prépare pas mieux à ce métier rendu difficile par des parents tout-puissants se comportant comme des clients, des rectorats et l’administration centrale qui ne soutiennent pas ses profs contre ces clients rois, des effectifs pleins en classe.


Il est attendu des profs qu’ils déploient une pédagogie différenciée et personnalisée pour chaque élève, enrobée et sucrée par des trésors de bienveillance, en fait, des notes truquées pour contenter les parents. Un mensonge qui annonce de prochaines catastrophes industrielles : le diplôme, d’ores et déjà, n’est plus le gage d’une compétence acquise. Les jeunes - qui ont pourtant ces diplômes - ne sont ni employables ni autonomes.


L’Éducation nationale est devenue une gigantesque pyramide de Ponzi, fondée sur la crédulité de ceux qui n’ont pas les moyens de mettre leurs enfants dans le privé sélectif, contrairement à tous les derniers ministres de l’Éducation nationale. Faisons mine de croire en la valeur du baccalauréat général ou professionnel. Si tout le monde y croit, le système tiendra !


Car ces fast-profs, vite recrutés, vite formés, vite jetés dans le grand bain, vite démissionnaires, ne seront pas nommés dans les bons établissements et écoles des beaux quartiers.


Quelle différence de toute façon y a-t-il entre recruter sur entretien des personnes dont on a entendu certains exciper comme expérience d’avoir fait faire leurs devoirs à leurs enfants, et recruter des professeurs des écoles sur une moyenne de 06/20, comme ce fut le cas à Créteil ? Il n’y a eu aucune alternance idéologique au ministère de l’Éducation nationale. Le désastreux et mensonger « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » avait été mis en place par François Fillon, et renforcé par ses successeurs de gauche.


La catastrophique réforme du bac a pour concepteur le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, aussi apprécié par la gauche que par la droite. Si Hollande avait été réélu, c’est exactement la même réforme qui aurait été mise en place. La nomination gadget de Pap Ndiaye, qui a vanté l’école publique tout en mettant ses enfants dans le privé à l’Ecole Alsacienne, n’y changera rien.



L’OCDE l’expliquait dans ses scénarios pour l’école de demain publiés, pour la première fois, en 2000. Les conclusions de celui intitulé « Extension du modèle du marché » (2001) valent d’être ici reproduites :


« La mise en place d’un modèle d’école obéissant bien davantage aux lois du marché dépendra vraisemblablement d’un certain nombre de facteurs. Cette évolution serait nourrie par un profond sentiment de mécontentement, à l’égard des services en place, parmi les “consommateurs stratégiques”, en particulier les parents de la classe moyenne instruite et les partis politiques, en même temps que par une culture dans laquelle l’école serait déjà considérée comme un bien tout autant privé que public. De grands écarts de performances scolaires renforceraient les critiques, tandis que l’instauration à grande échelle du “modèle de marché” dans le système scolaire irait en soi de pair avec la tolérance par la société d’un certain niveau d’inégalité. »


L’inclusion ? Une plaisanterie. C’est la fuite en avant de « l’adaptionnisme scolaire », terme créé par Laurent Jaffro et Jean-Baptiste Rauzy dans leur ouvrage «  L’École désœuvrée », pour désigner « la pente actuelle dominante dans les réflexions sur l’école et dans l’institution elle-même, qui incline à adapter l’école à l’élargissement de ses publics plutôt que de persévérer à amener ses nouveaux publics à des savoirs déterminés », ce qui coûterait plus cher. Il faut faire de la dépense scolaire publique un marché lucratif, avec un privé majoritaire et les écoles publiques réduites à ne s’occuper que des élèves les plus difficiles et ceux qui sont le plus en difficulté, populations captives, peu averties et peu mobiles. Voici le rêve et l’agenda des hauts fonctionnaires qui ont conduit l’école publique dans le mur et qui restent même éternellement en place.


La fracture scolaire s’aggrave. Pour désamorcer cette prochaine bombe sociale, on ment aux parents en donnant des diplômes à ceux qui n’ont pourtant pas le niveau pour l’obtenir. La pyramide de Ponzi va bientôt s’effondrer. Et ceux qui en souffriront le plus sont les classes populaires. Beaucoup se gaussent de l’inquiétude suscitée par la fin, à terme, du statut de ces fainéants de profs. Ceux-là ont soit déjà mis leurs enfants dans le privé, à l’abri des décisions du ministère, ou espèrent que l’arnaque de Ponzi perdure encore assez pour que leurs enfants soient mis à l’abri avec ces diplômes en chocolat.


Fatiha Boudjahlat


https://www.lefigaro.fr/vox/societe/fatiha-boudjahlat-l-education-nationale-est-une-pyramide-de-ponzi-qui-va-bientot-s-effondrer-20220603 ?



Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès