"Ce
qui nous différencie, c’est que tu penses que des peuples
nationaux peuvent finir, via le débat et la raison, par
partage la même identité."
Non non, je pense que par le débat, mais plus généralement par le fait de faire
des choses ensembles, nous nous mettons (même sans le vouloir,
sans s’en apercevoir) à construire une identité commune supplémentaire, qui ne fait porter aucun risque à l’identité qui nous sépare.
C’est cela je pense qui nous différencie, c’est qu’à mes yeux il me
semble évident que chaque personne est déjà un collectif à elle toute
seule. Que nous pouvons, et même je pense que nous le recherchons
spontanément, avoir plusieurs identités.
Tout comme un enfant se construit d’abord une personnalité avec sa mère,
puis une autre avec son père, encore une autre avec ses copains, etc,
puis avec ses lectures, avec son ou sa petit(e) ami(e), avec ses
enfants.
Tout cela ne forme pas une identité unique, mais une structure
superposée, un volume, dans lequel on peut se déplacer et créer une
cohérence...
ou des affrontements.
Douleurs, par exemple,
pour un enfant quand il y a un conflit entre son père ou sa mère. De la
même manière que cela a du être absolument dévastateur pour un algérien
français de vivre la guerre franco-algérienne, parce que c’est du coup
une guerre de soi contre soi.
Ceux qui demandent à ces gens là de trancher entre les deux sont des salauds.
Ce n’est que mon opinion du moment, mais je ne pense pas avoir tord de qualifier de "réactionnaire" la vision qui consiste à penser qu’une identité, nationale ou non, se partage ou se fusionne. Car il me semble que c’est croire qu’une identité est une, comme un objet, au lieu de constater que c’est un mouvement. Avec une vision pareille on en arrive effectivement à penser, quand on n’a pas d’identité, que c’est parce qu’on nous l’a volée, ou parce qu’on l’a perdue, et on cherche un responsable au lieu de mettre sa machine en marche.
Pour en venir à la France, personnellement il me semble que la crise y est médiatique avant d’être identitaire. Médiatique dans le sens le plus large du terme, c’est à dire que toute la communication que nous subissons et à laquelle nous participons ne nous donnent pas les moyen de se construire une identité française, qui rendrait du coup une identité européenne possible. Nous sommes atomisés par la marchandisation de tout, la culture se met à subir le stress de l’obsolescence, elle peut être jetée soudainement, entièrement, sans raison.
Personnellement je me suis beaucoup intéressé, entre autres, au cinéma français des années 60, un peu à la littérature française du XIXème siècle, maintenant je me met à la pensée du XVIIIème... à un moment ou l’autre, quand nous nous serons débarrassé de la culture marchande nous devrons revenir dessus, c’est trop riche même, je ne me fais aucune inquiétude. Et cela ne sera pas en contradiction avec la construction d’autres identités, c’est le même le contraire, ce sera sa condition.
Quand tu dis que l’Europe n’est pas possible parce que nous n’avons pas d’identité commune, j’ai envie de répondre que si elle n’est pas possible c’est parce que nous n’avons pas identité du tout (mais encore faut-il le vérifier) puisque que nous avons de toute manière des intérêts communs aussi tenus soient-il, et pire encore nous nous trompons sur le sens de l’identité.