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Commentaire de philouie

sur Michel Serres répond à Jérôme Soubeyrand sur la folie de St Paul


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philouie 5 novembre 2015 09:59

@gaijin
D’abord le cadre général : on connait tous les théories de Freud sur la construction psychique à base de sexualité. Pour ma part, si je ne méconnais pas la puissance de la sexualité parce qu’en polarisant les êtres, elle électrise la relation, je crois que ce qui a plus d’importance est la question de la dépendance à la Mère. Non pas la Mère objet d’un désir d’ordre sexuel, mais la Mère nourricière, maternante, source de la vie. Plutôt que de parler d’œdipe, je parlerai de sevrage, le fait de passer de "je suis nourri" à "je me nourri", passer de la dépendance à l’autonomie.

Dans ce mouvement de détachement de la mère, c’est au moment où celle-ci s’absente que nait la conscience de l’autre, ainsi l’autre, c’est la manque, l’autre c’est ce que je ne suis pas et qui par conséquent manque à ma toute puissance. Ainsi l’autre, l’apparition de l’autre, est source de souffrance en cela qu’il me rappelle le manque.

Dans le meurtre rituel, et j’emploie le mot ici dans son acception la plus large, il y a une double jouissance, celle de tuer l’autre et celle de se repaitre de sa chair. Supprimer celui qui nous rappelle le manque et combler le manque par la nourriture. Le meurtre rituel a un effet pacifiant pour ces deux raisons. (Voir à ce propos Girard, dont j’apprends la mort à cet instant)

Avec le repas Eucharistique, on a un renversement complet de la chose : d’une part celui qui est mis à mort n’est pas l’autre mais bel et bien nous même, puisqu’avec le christ, qui n’est plus le bouc écarlate chargé ignominie et d’immondices qu’on chasse au désert, nous sommes dans un processus d’identification et d’autre part la nourriture que nous mangeons est l’inverse même de la nourriture : l’hostie étant un pain sans sel ni levure ne saurait nous donner la moindre sensation de satiété. Il ne s’agit pas de nourriture, mais de l’image de nourriture. A l’évidence, quand Magritte dit "Ceci n’est pas une pipe" il dit vrai, puisqu’il ne s’agit que de l’image d’une pipe, mais quand il est dit "Ceci est mon corps", il s’agit d’un mensonge puisqu’il ne s’agit que d’une image du corps et que de corps il n’y a pas.

La théologie catholique parle de transsubstantiation, il s’agirait du phénomène par lequel la divinité descend dans le pain, mais en réalité, il s’agit du mouvement inverse, celui d’idéalisation, par lequel on ajoute une image à l’objet et l’on tient pour plus vrai l’image que l’objet.

Donc on voit là une double négation du corps : par la mise en croix du Christ, puisqu’il s’agit bien du corps, le sien, et le notre par identification, qui est mis à mort et sous l’espèce du pain, puisqu’il ne s’agit plus de pain mais d’une idée de divinité.

Ce pose alors le problème de la sexualité - et je crois qu’il s’agit du thème du film- parce que, quelle sexualité si le corps est absent ? Mais également le problème du maternage, c’est à dire du soin qu’on apporte au corps, en particulier dans la petite enfance, si ce corps ne compte plus.

Si l’on ne sait plus apporter satisfaction au corps, à la fois dans la sexualité et dans le soin, il apparait évident qu’on ne fait qu’accroitre le manque, et si le manque c’est l’autre, on ne fait qu’accroitre la violence qu’on exerce contre l’autre.

In fine, on peut penser que le manque de soin qu’on s’accorde se retourne contre l’autre tenu pour responsable de notre manque.


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