Les esclaves de Libye.
En Libye, ces migrants sont vendus
comme esclaves aux enchères.
Un reportage de la chaîne de
télévision américaine CNN montre que dans la Libye déchirée dans
laquelle transitent de nombreux migrants, des hommes sont vendus lors
d’enchères aux esclaves.
Sur une vidéo filmée en août
dernier, des hommes attendent debout, tandis qu’on entend un individu
dire : « Ce sont des garçons grands et forts pour les travaux
de la ferme ».
Le même scande bientôt : « 400,
700, 800 ». C’est le prix, en dinars libyens, pour lequel il
propose de vendre des êtres humains.
https://www.youtube.com/watch?v=z08zUFaF740
Le président français Emmanuel Macron
a qualifié mercredi de "crimes contre l’Humanité" les
ventes de migrants africains comme esclaves en Libye, révélées par
la chaîne américaine CNN.
Jeudi 23 novembre 2017 :
Au Maghreb, la persistance d’un racisme
anti-Noirs.
Parmi les réactions suscitées par la
diffusion de la vidéo de CNN montrant une vente aux enchères de
migrants subsahariens en Libye, la dénonciation d’un racisme
anti-Noirs persistant dans les pays du Maghreb figure en bonne place.
Si les situations n’y sont pas
comparables à la barbarie observée en Libye, les communautés
noires continuent toutefois d’y être victimes de mépris, de
discriminations, voire d’agressions.
En Algérie, il existe une forte
présence de migrants subsahariens qui y restent de quelques mois à
quelques années, comme une pause sur leur route vers l’Europe.
Selon les associations locales, ils seraient près de 100 000.
Vivant dans les périphéries des grandes villes, privés de statut
légal, ces habitants « fantômes » occupent souvent des
emplois à la journée dans le secteur de la construction.
En octobre 2015, l’histoire de
Marie-Simone, une migrante camerounaise d’une trentaine d’années,
avait fait la « une » de la presse. Victime d’un viol
collectif à Oran (ouest), elle avait eu le plus grand mal à se
faire soigner et à porter plainte.
En mars 2016, à Ouargla (sud),
c’est le meurtre d’un Algérien poignardé par un migrant
nigérien qui avait dégénéré en une véritable chasse aux
migrants. Et les exemples ne manquent pas.
Les autorités algériennes sont
récemment revenues sur la tolérance dont elles avaient fait preuve
vis-à-vis de la migration subsaharienne depuis 2012 et le début des
troubles au nord du Mali. En décembre 2016, 1 200
personnes ont été renvoyées du pays. D’autres rafles et
expulsions ont depuis été menées dans les grandes villes du pays.
Emmenés en bus jusqu’à Tamanrasset, à 2 000 km au sud
d’Alger, ils ont ensuite été relâchés de l’autre côté de la
frontière, côté nigérien, parfois en plein désert.
« L’esclavage est la forme la plus
extrême du racisme »
Au Maroc, de nombreux témoignages font
aussi état d’un racisme latent. Celui-ci va de faits divers
extrêmement violents – en 2014, trois migrants ont été tués
à Boukhalef, un quartier périphérique de Tanger – à un racisme
diffus. « Dans la rue, certains nous appellent Ebola »,
racontait un Camerounais rencontré en septembre à Tétouan (nord).
La partie nord du royaume est un
territoire de passage pour les Subsahariens qui veulent tenter la
traversée vers l’Europe : soit par la mer, soit en essayant
de franchir les barrières qui séparent le continent africain des
enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Contraints de se cacher dans
des conditions très dures, beaucoup sont victimes de bastonnades
lorsqu’ils sont pris, puis envoyés dans des villes du sud du Maroc
pour tenter de les éloigner.
En Mauritanie, plus au sud, le racisme
ne vise pas les migrants de passage mais une partie des citoyens
mauritaniens, rappelant la situation d’un pays où les Maures
blancs concentrent la majorité des pouvoirs au détriment des
Haratine, descendants d’esclaves, et des Négro-Africains.
L’esclavage y a été interdit en 1981. Son interdiction a
même été inscrite dans la Constitution en 2012, mais la
pratique reste courante.
« Le racisme anti-Noirs continue
aujourd’hui au Maghreb. La couleur de peau est toujours associée à
un statut inférieur. Des tribus pratiquaient l’esclavagisme dans
tout le Maghreb et c’est resté dans l’imaginaire collectif »,
souligne le sociologue marocain Mehdi Alioua, président du Groupe
antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et des
migrants (Gadem).
« L’esclavage, la chosification
du corps est la forme la plus extrême du racisme »,
poursuit-il, en référence à la vidéo de CNN.
L’universitaire déplore toutefois le
manque de recherches sur cette question. Le sujet du racisme
anti-Noirs dans les pays nord-africains est peu documenté, par
manque de moyens et certainement aussi à cause d’une forme
d’autocensure.
« Certains craignent d’être
accusés de faire le jeu de l’Occident. La conséquence de cette
absence de connaissances, c’est que, parfois, on sous-estime ce
racisme, parfois, on le surestime. », poursuit M. Alioua, qui
précise toutefois que le débat avance : « A chaque fois
qu’une campagne de sensibilisation est lancée, elle reçoit plutôt
un bon écho au sein de la population et ce dans tous les pays
du Maghreb ».
« Une source de criminalité, de
drogue et de plusieurs fléaux »
Au Maroc, l’augmentation du nombre de
migrants subsahariens ces dernières années a eu un effet
ambivalent, provoquant tout à la fois plus de frustrations parmi la
population – certains estimant, sur fond de difficultés
économiques, que les migrants ont plus d’aides que les nationaux
–, mais permettant en même temps de démocratiser la problématique
et d’accroître la dynamique de soutien aux migrants.
En Algérie aussi, les associations se
sont emparées ces dernières années de la situation des
Subsahariens. Leïla Beratto, correspondante de RFI, travaille sur le
sujet depuis des années. « Cette discrimination est liée à
l’histoire de l’Algérie où des Noirs ont été les esclaves de
riches familles à la peau claire, mais elle s’explique aussi par
les différences culturelles entre Algériens et Subsahariens qui se
connaissent mal », note la journaliste.
L’un des facteurs déterminant de
l’accueil réside dans l’attitude des autorités. Début juillet,
Ahmed Ouyahia – devenu le 15 août premier ministre d’Algérie
– avait affirmé que les migrants sont « une source de
criminalité, de drogue et de plusieurs autres fléaux ».
Quelques jours plus tard, le ministre des affaires étrangères,
Abdelkader Messahel, parlait lui d’« une menace pour la
sécurité » du pays. « Dans ces conditions, le travail
de sensibilisation sur le terrain est rendu encore plus difficile »,
souligne Leïla Beratto.
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/11/23/au-maghreb-la-persistance-d-un-racisme-anti-noirs_5219175_3212.html