• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile


Commentaire de Joe Chip

sur "Fascistoïde" ? Michel Onfray s'en prend au portrait de Lénine du couple Garrido-Corbière


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Joe Chip Joe Chip 5 juin 2018 11:22

Onfray est un sophiste qui maîtrise à la perfection l’art de s’imprégner de l’air du temps tout en faisant semblant de le remettre en question, de l’interroger.

Je crois que certaines prises de position politique un peu "aventureuse" l’avaient ces dernières années mis en porte-à-faux par rapport au petit monde médiatique et qu’il travaille depuis quelques mois à relisser son image. Rejeté à l’extrême-droite par les médias qui l’ont qualifié d’intellectuel réac, il se complait dans une posture de socialiste libertaire - largement réinventée - et de girondin décentralisateur qui présente surtout l’avantage de rester théorique sans l’engager à rien politiquement parlant ! Je suis contre Macron, contre Mélenchon et contre Le Pen, vive l’abstention ! Bah voyons, gros malin... 

Sa défense du "socialisme communale libertaire" (socialisme d’autant plus défendable qu’il n’a jamais vraiment existé dans les faits) contre les hordes de jacobins centralisateurs est l’archétype de la thèse inodore et surtout indolore qui ne peut rencontrer aucune opposition.    

Rajoutez à ça le fait de soutenir bruyamment Israël depuis quelques mois tout en réduisant le terrorisme islamiste à l’interventionnisme occidental - hypocrisie totale - et vous tenez la une combinaison médiatiquement gagnante qui explique le retour en grâce d’Onfray sur les plateaux télé. On voit d’ailleurs à quel point Moix et Ruquier buvaient cette fois ses paroles comme du petit lait (ses derniers passages furent plus mouvementées).

Un peu d’anticommunisme primaire et de provincialisme à temps partiel (je suis pour la province mais je passe mon temps à faire de la promo dans les médias parisiens) et le tour est joué, toutes les cases du conformisme médiatique sont cochées tout en se donnant l’air d’être un esprit libre, un trublion : bien joué ! 

Enfin, il fait sienne la (vieille) thèse téléologique (l’histoire réinterprétée en fonction d’une finalité et non comme un processus historique) et controversée des Sternhell, BHL & cie sur l’origine du totalitarisme et du fascisme que ces derniers font remonter linéairement à Rousseau en passant par Lénine, Robespierre selon une approche déterministe de l’histoire (Lénine a lu Robespierre, qui a lu Rousseau, donc Rousseau est responsable des goulags). Cette thèse est d’autant plus absurde qu’il est très facile de démontrer que tous les courants politiques et idéologiques modernes (et pas seulement le "totalitarisme") trouvent leur racine dans le bouillonnement idéologique de la Révolution française.   

A n’en pas douter, Onfray le rebelle médiatique tiendrait un tout autre discours si Marine Le Pen ne s’était pas plantée à ce point lors de la présidentielle, mais il faut bien continuer à vendre ses livres de "philo" en tête de gondole dans les Leclerc...

Sur le seul plan historique, il est d’une rare malhonnêteté intellectuelle en instruisant toujours à charge. Il s’appuie paradoxalement sur la vieille historiographie marxiste de la révolution française (caractérisée par sa complaisance envers le jacobinisme) pour justifier sa propre lecture complaisante du girondisme dans une compréhension binaire et renversée de l’histoire. Déjà il est absurde de substituer à une mythologie jacobiniste une mythologie girondine qui ne correspond pas à la réalité. A l’écouter, le girondisme en 1789 incarnait un présocialisme libertaire et fédéraliste dont Proudhon aurait été l’héritier bafoué, vaincu par les méchants jacobins totalitaro-marxistes. Mais avec Onfray, on ne sort surtout jamais de l’histoire polémique et sensationnaliste qui fait vendre des livres et qui passe bien à la télé... lâcher sa petite phrase sur la Vendée chez Ruquier, ça ne mange pas de pain, et ça permet de capter un certain lectorat.... tout est calculé chez ce type, c’est d’ailleurs à ça que l’on reconnaît les sophistes médiatiques qui se soucient davantage de la réception de leurs idées que de la défense de leurs idées. Ils ne sont jamais vraiment dans le faux puisqu’ils ne sont jamais tout à fait dans le vrai, ce qui leur permet de se placer habilement de tous les côtés et de ne jamais apparaître comme aligné.  

Si on reprenait le film de tous les déplacements idéologiques subtils d’Onfray depuis 30 ans, on le verrait se déplacer tantôt à gauche, tantôt à droite, sans jamais trop s’éloigner du confort du centre en fin de compte. 


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès