Sinon, là ce
ne sont que des témoignages dont ne saurait rien tirer de pertinent. Mais des
spécialistes ont déjà montré que depuis plusieurs décennies, la marque de l’islam
dans les sociétés dites musulmane est aujourd’hui beaucoup plus forte que par le passé, il y’a eu une vague de réislamisation en Afrique du nord en particulier, il
n’y a qu’à comparer le nombre de femmes voilées aujourd’hui à celui d’il y’a 30
ou 40 ans. Et, paradoxalement, c’est cette réislamisation qui est à l’origine
de ce qu’on a nommé « la crise de l’islamisme ». Ce que je dis là va
faire bugger tous les défenseurs de la thèse du continuum et autres
essentialistes, je préviens déjà qu’à leurs oreilles ce sera un charabia
incompréhensible.
En effet, l’islamisation
ne débouche pas sur l’islamisme, c’est même généralement le contraire. L’islamisme
est une grammaire politique qui propose des conceptions totalisantes de l’islam.
La réislamisation comprise comme l’augmentation des pratiques religieuses et de
leur visibilité au sein d’une société, elle, s’est faites en
dehors de l’ordre politique et n’a fait que diversifier la référence islamique dans ces pays.
En d’autres termes, une islamisation qui n’est qu’une juxtaposition de
pratiques individuelles et qui par conséquent accentue la diversité, est le
contraire du projet totalitaire islamiste qui aspire à une refondation sociale totale sur
la base des principes de l’islam. Finalement, dans cette diversité de
conception de l’islam et de pratiques et face à l’impossibilité de totalisation
sociale propre à l’islamisme, l’extériorité du politique par rapport à la
religion est reconnue et on aboutit ainsi paradoxalement à une laïcisation de l’espace dans lequel
les pratiques religieuses se développent. Cela va avoir pour conséquence que
les partis islamistes se transforment en partis politiques traditionnels à l’opposé du
modèle initial des frères musulmans :
ils s’intègrent dans le
jeu politique et se nationalisent, ce qui va aboutir à un renforcement des Etats
nations au détriment des courants transnationaux.
Donc ce n’est
pas tant l’abandon de l’islam qui provoque la crise de l’islamisme, c’est au
contraire sa réappropriation individuelle qui provoque un éclatement des croyances
et des pratiques, et qui entraine l’émergence d’un espace de laïcité, non pas comme
affirmation idéologique contre la religion sur le modèle français, mais comme
indifférence et non pertinence de la norme islamiste totalisante dans le champ
politique.