Je précise d’emblée
que je suis opposé à toutes ces histoires de chartes, on essaie de revenir à un
régime concordataire alors que depuis la loi de 1905 on est dans un régime de
séparation, c’est d’autant plus grotesque qu’il n’existe aucune raison de
changer. Cela dit, si Oukacha considère que cette charte en dit beaucoup sur ses
auteurs, on pourrait aussi dire que son décryptage vidéo en dit beaucoup
sur lui. Je ne prendrai qu’un exemple.
Dans la
charte telle qu’il nous la présente dans la vidéo, il est écrit « Ce
faisant, nous réaffirmons d’emblée que ni nos convictions
religieuses ni tout autre raison ne sauraient supplanter les
principes qui fondent le droit et la Constitution de la République ».
Le reproche que Oukacha a vis-à-vis de
cette phrase est qu’il aurait préféré que les auteurs écrivent « NOS lois religieuses (Coraniques)
ne doivent pas remplacer VOS lois républicaines ».
Ce qui saute
aux yeux dans sa formulation, c’est le
principe de distinction qui s’exprime ici par NOS/VOS. Les rédacteurs de la
charte étant Français, on comprend que malgré tout dans le paradigme de Oukacha,
il y’a un « eux » et un « nous » PARCE QU’ils sont
musulmans. Il aurait donc voulu que les auteurs de la charte utilisent une
formulation qui les sépare de la communauté nationale. Pourquoi ? Eh bien
parce que pour Oukacha, c’est la réalité. Pour lui être musulman, c’est adhérer
à une juridiction divine coranique et être Français c’est adhérer aux lois
républicaines, nous avons donc là deux identités par ESSENCE incompatible. D’ailleurs,
il le dit à un moment, on aurait affaire selon lui à des « champs de
valeurs différents et incompatibles ». Le principe de distinction sert de
prémisse au principe d’incompatibilité. Et ça, c’est un classique chez les anti-islam.
Et comme il y’a incompatibilité, l’une des essences doit forcément supplanter l’autre. Donc
les musulmans doivent dire que les lois de notre République sont supérieures à
leurs lois religieuses sinon c’est ambigu et ils font de la taqîya. La boucle
est bouclée.
Sauf que
précisément, les auteur de la charte réfutent le principe de distinction et d’incompatibilité.
Ils parlent de leurs convictions ( comme nous en avons tous, qu’elle soit religieuse, athée agnostique ou autre), et elles ne sauraient
être des lois puisqu’en France, il n’existe pour norme légale que celle de la
République. Et en effet, en France, le Coran et tous les textes de la tradition
religieuse musulmane ne sont que des livres et des écrits comme les autres, ils
n’ont pas de valeur légale, ça ce n’est pas une opinion, c’est un fait juridique qui contredit tout le paradigme des essentialistes pour lesquels ces textes
sont fondamentalement des normes juridiques valables devant les lois humaines
partout sur terre. Il n’y a pas deux lois en France mais une seule, la loi religieuse n’existe pas à l’intérieur de nos frontières.
Et ce qui
est aussi très intéressant, c’est lorsqu’il dit que « Conviction religieuse, ça
veut dire l’avis personnel de chacun sur sa religion, ça ne veut pas dire
l’islam mais au mieux un avis personnel et intime sur l’islam ».
Et là on a envie de lui poser la question : donc, selon vous, l’islam existe
indépendamment de l’avis personnel et intime des musulmans ? Alors présentez-nous
ce monsieur Islam qui ne serait pas une conviction, donnez-nous son adresse,
son âge, son lieu de résidence, qu’on puisse discuter avec lui. Ou alors l’islam
serait des textes qui se lisent, se comprennent et s’interprètent
différemment selon les écoles, les contextes sociaux, les histoires individuelles etc ? Bref, on voit encore poindre le postulat irrationnel d’un
islam ontologique qui existerait on ne sait où indépendamment des croyants.
Ça c’est
juste un exemple. Tout au long de cette vidéo, son décryptage est traversé par
cet essentialisme. Il suffit de sortir de cadre de pensée pour qu’il n’ait plus aucune valeur. En d’autres termes, ce genre de vidéo est faite pour les gens qui sont déjà convaincus par ce type de discours, les autres vont difficilement y adhérer car ils n’ont pas les prérequis pour "croire" que ce qui est dit est vrai.