@yoananda2
« Je
croyais qu’on pouvait suspendre les "libertés fondamentales"
temporairement pour combattre un ennemi virulent. »
------>
Tout à fait.
« Du
coup, si on ne veut pas les suspendre, il suffit de dire qu’il n’est pas
virulent, et accuser ceux qui veulent le faire de vouloir rendre la suspension
définitive. Malin. »
------> Ou
alors inversement, si on veut se débarrasser d’un ennemi pour une raison ou une
autre, il suffit de dire qu’il est virulent, un peu comme les identitaires qui grossissent
la menace islamique et instrumentalisent chaque attentat afin de pouvoir bazarder
l’état de droit.
Donc, face à
cette possibilité de mensonges, qu’est-ce qu’on fait ? Là on entre dans le
paradigme de l’état d’exception. Pour
répondre à la problématique que tu exposes, la première des choses, c’est qu’il
faut comprendre qu’il ne suffit pas d’affirmer de façon péremptoire qu’un
ennemi est virulent pour que l’état d’exception soit déclaré, on ne peut pas
juste le déclarer parce qu’on en a envie, sortir du droit commun demande un
certain nombre de conditions (ça c’est le principe de légalité) :
-il faut que
la menace soit précise (tu ne peux pas le décrire vaguement comme un ressenti
ou quelque chose de rampant difficilement descriptible), exceptionnelle ( qu’elle
mette en péril la survie de l’Etat, la vie d’une masse significative de
personnes etc) et imminente ( tu ne peux pas dire « ah mais si on ne fait
rien dans 10, 2O, 50 ans il va se passer ceci ou cela », il faut que le
danger soit immédiat ) et que suspendre les libertés soit la seule manière d’y
faire face ( si on peut lutter contre la menace dans un cadre ordinaire, ça n’a
aucun intérêt de prendre des mesures extraordinaires). Ça c’est le principe de nécessité.
-Les
décisions prises doivent l’être à l’échelle des objectifs à atteindre et de la
nature de la menace (s’il y’a une catastrophe naturelle en Bretagne comme un
ouragan qui met en danger des millions d’habitants, tu ne vas pas suspendre la
liberté de circulation à Marseille, ça n’a pas de sens). C’est le principe
de proportionnalité.
-Les mesures
prises contre la menace ne doivent en aucun cas viser une catégorie de la
population dans son ensemble (si l’Espagne nous déclare la guerre et que son
armée passe la frontière pour nous envahir, tu ne peux pas te mettre à assassiner
des civils simplement parce qu’ils ont la nationalité espagnole ou qu’ils sont
d’origine espagnole, il doit y avoir des éléments de preuves concrets pour s’attaquer
à des civils). C’est le principe de non-discrimination.
En bref, même
dans les situations exceptionnelles il y’a un cadre réglementaire bien circonscris
par les lois et la constitution, les gouvernements ne peuvent pas faire ce qu’ils
veulent juste parce qu’ils en ont envie. Enfin, en théorie bien évidemment. En
pratique, c’est plus complexe.