@yoananda2
« J’ai
souvenir de discours de Tarik Ramadan ou il était très explicite. Il ne parlait
pas de prendre le pouvoir à la tête de l’état hein, il est pas si con que ça
évidement »
J’ai un peu
lu et beaucoup écouté Tarik Ramadan et même si je ne suis pas d’accord avec lui
sur certains points, son discours sur les institutions ne m’a jamais posé
problème. Du coup je me demande à quel propos explicite tu fais référence. Parce
que ce qu’on lui reproche généralement, ce ne sont jamais des propos explicites
justement mais de soi-disant intentions sournoises dissimulées …
« Du
coup, si tu ne dis pas "y a aucun problème", tu dis quoi à propos des
problèmes qu’il y a ? »
-le problème
le plus immédiat, c’est celui du terrorisme low cost avec la stratégie, dite
des "mille entailles" dont on a déjà parlé longuement ( et Samuel
Paty a été l’une de ses victimes), donc je ne vais pas revenir dessus.
-les frères
musulmans, qui, même s’ils ne représentent à peine un peu moins de 10 %
des musulmans, est un mouvement islamiste qui produit des cadres. Le problème,
c’est qu’apparemment les gouvernements font tout pour créer un « islam de France »
et pour structurer des musulmans aujourd’hui très divisé, ce qui est une bêtise
incroyable qui va justement dans le sens des frères musulmans, c’est lever l’un de leur principal obstacle.
-il y’a la
progression démographique d’un groupe qui a une conception très identitaire de
l’islam et qui souhaite entrer en rupture avec la société française. Comme il n’y
a pas de structure organisationnelle à l’échelle nationale, qu’il est
hétérogène et composé surtout de jeunes peu qualifiés et peu insérés dans
l’emploi, vivant dans les quartiers populaires périphériques des grandes
agglomérations dans la précarité, il ne constitue pas une menace politique comparable
aux frères musulmans qui eux sont organisé et instruit. Par contre, la
progression de ce groupe est corrélée aux conditions socio-économiques, ça veut
dire qu’en cas de crise et de précarisation générale de la société française,
il peut encore augmenter.
-après il y’a
d’autres problèmes comme le clientélisme communautaire au niveau local dont
nous avons aussi longuement parlé.
Donc voilà,
il n’y a pas « aucun problème » et tout ne va pas bien madame la
marquise. Par contre, la propagande des identitaires dégoûtants ( ton terme que
je ne fais que reprendre) les grossit de façon paroxystique et les mélange à d’autres
problématiques dans le but de créer un ennemi intérieur musulman/allogène essentialisé
à épurer.
« Par
curiosité, Hollande qui parle de partition »
On en avait
déjà parlé aussi sauf que là tu avais cité Darmanin et son usage du mot « séparatisme ».
Et je t’avais répondu qu’il y’a une véritable confusion dans l’usage de
certains mots dans le débat public (et on pourrait rajouter le mot « sécession »
dans le lot).
En principe,
lorsqu’on utilise ces mots, c’est pour signifier qu’un territoire accède à l’indépendance
ou du moins à une forme d’autonomie, comme dans le Donbass actuellement ou comme
le Kosovo par le passé, c’est-à-dire que se met en place une nouvelle administration
( dont une police, une armée, une justice territoriale ... un Etat quoi ) qui exerce
un pouvoir sur la population et qui est capable d’établir des liens diplomatiques
avec d’autres Etats. Les séparatistes corses ou catalans par exemple, c’est à
ça qu’ils veulent arriver : se séparer politiquement de l’Etat français et
espagnol.
Là Hollande,
même s’il utilise ce mot là, ne veut pas du tout dire ça. Il parle de
populations qui ne se mélangent pas du fait d’une différence de mœurs. Il parle
de culture. Eh oui, un homme d’Etat devrait faire très attention aux mots qu’il
utilise pour décrire sa pensée de la façon la plus précise possible, parce que
là, il entretien une confusion entre ce qui relève des mœurs et ce qui relève
de l’organisation étatique, on peut interpréter son propos comme « Ah la
Seine saint Denis va bientôt proclamer son indépendance ». Alors oui, ça prête
à rire parce que c’est complètement grotesque de penser ça tellement ça ne se
fonde sur rien, mais dans notre contexte de peur attisé par les attentats et de
sentiment d’insécurité culturelle, il y’a manifestement des gens qui se mettent
à y croire dur comme fer.