Censure littéraire : Portrait d’un « relecteur sensible » transsexuel
Pauvre époque où les censeurs s'éveillent ! Certains rêvent de brûler une toile qu'ils ne comprennent pas, d'autres sont déjà passés à l'acte et corrigent les œuvres littéraires qui les offensent. Voyez ce reportage, diffusé au JT de TF1, sur la réécriture de livres par des "sensitivity readers" (relecteurs sensibles en bon français). Nous ferons par la suite connaissance avec le "relecteur sensible" de ce reportage.
Reportage au JT de TF1 sur la réécriture des livres où l'on apprend de la part d'un "sensitivity reader" que le mot "métropole" est a éviter car il renvoie à la colonisation. pic.twitter.com/npJ2meZbDu
— David Dobsky (@dobsky33) April 23, 2023
Les œuvres d'Agatha Christie, ainsi que celles de Roald Dahl ont été réécrites, par certains éditeurs, pour ne pas offenser le public. Ainsi, les mots "gros" et "maigre" sont désormais bannis. Les couleurs de peau sont également censurées dans les nouvelles versions. Mais aussi la mention des genres. Les termes "père" et "mère" sont ainsi remplacés par "parents". Le terme "homme", lui, est remplacé par "personne". Il faut désormais être inclusif, nous dit-on.
On ne sait pas bien qui pourrait se sentir blessé par tous ces mots censurés... mais les éditeurs, ayant la terreur d'être accusés de racisme, d'homophobie ou de grossophobie, n'ont aucun scrupule à réécrire les livres, quitte à en trahir le sens ou à les vider de leur substance ; car il est bien évident, par exemple, que "le pauvre petit gars, l'air maigre et affamé" (version originale) n'est absolument pas équivalent à "le gars" (version corrigée).
Les cas d'Agatha Christie et Roald Dahl sont-ils des cas isolés ? Ou faut-il s'attendre à ce que tous les grands auteurs voient leurs œuvres réécrites pour ne froisser personne ? Verra-t-on un jour les classiques de Balzac, Flaubert, Céline, Proust ou Dostoïevski expurgés et réécrits par des "sensitivity readers" ?
Le reportage de TF1 nous fait découvrir l'un de ces nouveaux censeurs (même s'il ne fait que donner des conseils non contraignants), qui juge que le terme "métropole" est désormais à proscrire car il renverrait à la colonisation. Il faudrait lui préférer le mot "hexagone". Morgan Lucas traque les tournures de phrase et le vocabulaire stéréotypés, discriminants ou offensants. Le comble de l'arrogance, c'est lorsque cet individu, dont les talents littéraires restent à démontrer, nous dit que l'originalité ou le style d'un auteur ne résident pas dans ses tournures de phrase et son vocabulaire... et que lui, Morgan Lucas, est là pour améliorer le texte, lui permettre de s'ouvrir à tout le monde.
TF1 nous présente Morgan Lucas comme un relecteur sensible, thérapeute et formateur. Allons plus loin. Car j'ai vraiment du mal à concevoir qui peut avoir envie d'exercer un tel métier, qui personnellement me heurte (mais qui se soucie de ma sensibilité ?), qui met en pratique l'horrible cancel culture. Qui peut être à ce point offensé par ce qu'il lit ? Écoutons cet entretien donné par le relecteur sensible :
A 9'30, Morgan Lucas nous apprend qu'il est transsexuel, et qu'il a été diagnostiqué transsexuel à l'âge de 3 ans. Il dit avoir eu la chance d'avoir été élevé de manière "assez non genrée" par sa mère. Né fille, il est donc devenu garçon. A force de traitements à la testostérone, sa barbe a poussé et son clitoris, qu'il a conservé, a grandi et pris en volume... ce qui, nous dit-il, procure un plaisir décuplé. Selon lui, le genre est fluide, mouvant ; rien n'est fixe : on peut se sentir homme un jour et femme le lendemain.
Il souhaite que l'on puisse intervenir dans les écoles pour faire passer ce message aux enfants. Il faut leur parler du genre et de la sexualité "en dehors de la sexualité hétérosexuelle". Il déplore que les parents s'y opposent, des parents qu'il juge "réactionnaires". Il faudrait donc, selon lui, sensibiliser les parents pour avoir ensuite accès aux enfants. C'est lorsqu'ils sont encore très jeunes qu'il faut, nous dit-il, les éveiller : "C'est à ces âges-là que ça se fait et qu'un autre monde est possible, si on leur plante une petite graine à ce moment-là."
Morgan Lucas exerce comme psychopraticien intégratif, certifié en sexo & gestalt thérapie. Il est également formateur sur les questions de diversité de genre, de sexualité et de relation. Parmi les autres services qu'il fournit, il y a le sensitive reading. Voici comment il décrit, sur son site, cette activité, en écriture inclusive bien sûr :
Un.e sensitivity reader est un.e relecteurice spécialisé.e non pas dans les fautes d'orthographes mais dans la représentation des groupes minorisés.
L'ambition n'est pas de censurer le discours mais d'y repérer les biais LGBTphobes, racistes, sexistes et les éventuelles fausses informations. Lae sensitivity reader n'est pas là pour donner son avis sur le manuscrit mais pour pointer les potentielles micro-agressions, stéréotypes et remarques involontairement offensantes et/ou discriminantes.
Ce n'est pas de la censure de son point de vue. Chacun voit midi à sa porte. Il exerce son art sur des bandes dessinées, des romans, des essais et des articles de presse. Dans l'édition, il a notamment travaillé pour Albin Michel.
Tous les "sensitivity readers" ne sont pas trans, certes, mais il serait intéressant d'en savoir plus sur leurs profils, car il ne me semble pas que monsieur Tout-le-monde puisse avoir l'idée d'expurger des œuvres littéraires au motif qu'il se sentirait offensé. Monsieur Tout-le-monde ferait, à mon sens, preuve d'humilité devant les grands génies de notre culture, il se sentirait même écrasé par leur talent, et aurait envie de tout sauf de les corriger. Les admirer à coup sûr, les imiter peut-être, les surpasser au mieux. Mais pas raturer leur prose pour la rendre inoffensive et bientôt insipide.
Tags : Culture Transsexualité Wokisme Sexisme Ecole Théorie du genre Sexualité Homosexualité Liberté d’expression Homophobie Livres - Littérature Sexe Discriminations Enseignement Censure Art Racisme Enfance Education
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