Léon Bloy le magnifique : réponse à Alain Soral !
Suite à l'interdiction de l'ouvrage Le Salut par les Juifs de Léon Bloy ordonnée par le tribunal des référés et consécutive à la demande de la licra, j'ai pris la décision d'évoquer cet ouvrage et ce pour 3 raisons :
La première est de nature, je le confesse, un tantinet sadique : par pur plaisir d'agacer Alain Jakubowicz, président de cette merveilleuse association sus-citée (licra) et se battant sans relâche aux côtés du Crif afin de lutter pour la montée de l'antisémitisme en France (oups ! Je voulais, bien entendu, écrire : "afin de lutter CONTRE la montée de l'antisémitisme en France...")
La seconde raison concerne un autre Alain ; Soral, qui a édité le livre via 'Kontre-Kulture' et qui présente cet ouvrage comme un pamphlet encore 'bien plus antisémite' que la France Juive d'Edouard Drumont. Désireux de lui porter la contradiction sur ce point, je pense qu'il est important qu'un autre son de cloche (je n'ai pas dit "une cloche") soit apporté, d'autant que le premier 'Alain' (Jakubowicz) au-travers de la censure exercée sur ce livre, n'a fait que renforcer l'opinion du second (Soral) tuant ainsi dans l'oeuf toute forme de débat sur cet ouvrage.
Enfin la troisième raison, et de loin la plus importante à mes yeux, est de faire connaître à un maximum de gens cet incroyable styliste qu'est Léon Bloy. Et en cela, je tiens à remercier chaleureusement les deux Alain qui, bien que partant de "stratégies" totalement différentes au départ, finissent par converger à l'arrivée en ayant fait de la publicité à cette superbe oeuvre littéraire.
Présentation par Alain Soral du Salut par les Juifs
Comme le rappelle Soral, le Salut par les Juifs se veut comme une réponse de Léon Bloy à La France Juive, le fameux pamphlet écrit par Edouard Drumont quelques années auparavant. Et Soral d’expliquer, citations à l’appui, que Le Salut par les juifs serait en réalité bien plus antisémite que l’ouvrage de Drumont, car les 2 auteurs, bien qu’opposés sur la forme (Bloy le "vrai catholique" face au "républicain-laïque" Drumont) auraient une réelle convergence de fond. Sauf que, comme d’habitude, " l’homme assis sur son canapé rouge", pour se justifier, nous met en exergue quelques citations du bouquin complètement décontextualisées comme nous allons le voir plus loin.
Au préalable et avant d’évoquer l’ouvrage proprement dit, voici ce que disait Léon Bloy des juifs :
"L’antisémitisme, chose toute moderne, est le soufflet le plus horrible que Notre Seigneur ait reçu dans sa Passion qui dure toujours ; c’est le plus sanglant et le plus impardonnable parce qu’il le reçoit sur la Face de sa Mère et de la main des chrétiens". Ou encore :
"Quelques-unes des plus nobles âmes que j’aie rencontrées étaient des âmes juives… La sainteté est inhérente à ce peuple exceptionnel, unique et impérissable."
Ceci étant posé, abordons maintenant le livre en écoutant un extrait non tronqué de celui-ci, soit le début de l’ouvrage afin de bien contextualiser l’ensemble.
Voici, notamment, ce qui est évoqué en début d’ouvrage :
"Le Salut vient des Juifs. Texte confondant qui nous met furieusement loin de M. Drumont ! A Dieu ne plaise que je lui déclare la guerre, à ce triomphant ! La lutte, vraiment, serait par trop inégale. Le pamphlétaire de la France Juive peut se vanter d’avoir trouvé le bon coin et le bon endroit. Considérant avec une profonde sagesse et le sang-froid d’un chef subtile que le caillou philosophal de l’entregent consiste à donner précisément aux ventres humains la glandée dont ils raffolent, il inventa contre les Juifs la volcanique et pertinance revendication des pièces de cent sous...Ajoutons que ce grand homme revendiquait au nom du Catholicisme. Or, tout le monde connaît le désintéressement sublime des catholiques actuels, leur mépris incassable pour les spéculations ou les manigances financières et le détachement céleste qu’ils arborent. J’ai fait des livres, moi-même, en vue d’exprimer l’admiraion presque douloureuse dont me saturent ces écoliers de la charité divine et je sens bien qu’il m’eut été impossible de m’en empêcher."
Plusieurs remarques :
1 - Contrairement à ce que dit Soral dans la vidéo, Léon Bloy ne reproche pas spécialement à Drumont son côté "bourgeois" mais il s’en prend bel et bien au "catholicisme" de ce dernier.
2 - De manière générale, et cela est présent tout le long du livre au travers d’une ironie mordante, Bloy s’en prend aux "catholiques modernes" et à leur hypocrisie. Et si on lit attentivement l’ouvrage, on s’aperçoit que le livre est en fait bien plus féroce à l’encontre de l’ église institutionnelle qu’à l’encontre des juifs.
3 - Et c’est seulement après avoir énoncé ce postulat de départ que Léon Bloy nous offre de magnifiques gerbes littéraires pleines de vomis antisémites, dans un style absolument superbe. Mais ces formules antisémites sont tellement caricaturales qu’on n’y croit pas car elles ridiculisent la notion même d’antisémitisme. Extraits :
" Au double point moral et physique, le Youtre moderne paraît être le confluent de toutes les hideurs du monde...La surprenante abjection de cet emporium de détritus emphytéotiques est difficilement exprimable. Il me sembla que tout ce qui peut dégoûter de vivre était l’objet du trafic de ces mercantis impurs dont les hurlements obséquieux m’accrochaient, me cramponnaient, se collaient à moi physiquement, m’infligeant comme le malaise fantastique d’une espèce de flabelltion gélatineuse. Et toutes ces faces de lucre et de servitude avaient la même estampille redoutable qui veut dire si clairement le mépris, le rassasiement divin, l’irrévocable séparation d’avec les autres mortels, et qui les fait si profondément identiques en n’importe quel district du globe."
Tel Cyrano de Bergerac qui, face au Vicomte l’apostrophant par " vous avez un nez...gros", lui rétorque plein de style " Ah non ! C’est un peu court jeune homme " ridiculisant totalement l’insulte de ce dernier, ainsi procède Léon Bloy face à l’antisémitisme de Drumont. Il soigne, en quelque sorte, le "mal par le mal" puisant dans l’antisémitisme moyenâgeux et le vomissant comme pour mieux s’en expurger.
Mais ce serait passer totalement à côté du livre que de ne pas évoquer le fond théologique absolument génial qu’expose Léon Bloy.
L’histoire récurrente des "deux frères" ou la réconciliation de l’humanité avec elle-même
C’est une constance toute biblique : le conflit permanent d’un frère aîné et de son cadet. Et c’est à travers ce prisme des 2 frères que léon Bloy analyse le conflit qui oppose de tout temps le judaïsme et le christianisme ou le conflit du "Peuple de Dieu" faisant face au "Verbe de Dieu". Et Bloy de postuler que le Salut de l’Humanité doit nécessairement passer par la réconciliation de ces 2 frères ennemis éternellement liés et au sein desquels toute l’humanité finira par se réconcilier avec elle-même. Le Christ ne pouvant être délivré de cette "Croix infâme" que par ceux-là mêmes qui l’y ont attaché. Et c’est au-travers du souffle "Bloyen" que cette théologie nous est proposée :
"Oserai-je dire maintenant, fût-ce avec des timidités de colombe ou des prudences de serpent, au risque de passer pour un misérable fomenteur de sophismes hétérodoxes, le conflit adorablement énigmatique de Jésus et de l’Esprit-Saint ? J’ai parlé d’ Abel et de Caïn, de l’Enfant prodigue et de son frère, comme j’aurais parlé du mauvais larron et du bon Voleur qui les évoquent si étrangement. J’aurais pu tout aussi bien rappeler l’histoire d’Isaac et d’Ismaël, de Jacob et d’Esaü, de Moïse et du Pharaon, de Saül et de David et cinquante autres moins populaires, où la compétition mystique des aînés et du puîné, décisivement et sacramentellement promulguée sur le Golgotha, fut notifiée, tout le long des âges, dans le monde prophétique. Les frères anathèmes ou persécuteurs représentent toujours le Peuple de Dieu contre le Verbe de Dieu. C’est une règle invariable et sans exception que l’Eternité ne changerait pas. Or le peuple de Dieu, c’est le lamentable peuple des juifs particulièrement dévolus au Souffle de Sabaoth qui les fit tant de fois résonner comme les harpes des bois séculaires...Mais voici quelque chose de singulier. La Croix représente aussi l’Esprit-Saint. Elle est l’Esprit-Saint lui-même ! ’ Un jour la Terre apprendra pour en agoniser d’épouvante que ce Signe était mon Amour, c’est à dire l’Esprit-Saint.caché sous un travestissement inimaginable !’ En conséquence, les Juifs si prodigieusement harmoniques à l’Esprit-Saint dont on entend perpétuellement la voix juive dans le contre-bas de nos liturgies, parce que cet Esprit a soufflé sur eux comme l’ouragan, les Juifs donnent précisément la Croix au Verbe de Dieu pour que l’écrasant Amour soit sur Lui dans sa forme la plus parfaite et la plus dure...Ah s’ils pouvaient être séparés un jour ! Mais les Juifs seuls ont le pouvoir d’abroger la loi de tourments qu’ils édictèrent, sans savoir ce qu’ils faisaient, par une étonnante impulsion d’en bas. La gloire de cette parole qu’ils ont méconnue et l’Avénement de l’Amour tant annoncé par leurs prophètes ne peuvent arriver ensemble que le jour où Jésus aura cessé d’être en Croix, et cela dépend exclusivement de la Volonté inconnue qui suscita leur malice. Mais il était un million de fois nécessaire de les clouer auparavant l’un à l’autre avec cruauté, pour qu’ainsi fussent miraculeusement avérées dans le futur les impossibles accordailles des deux Testaments"
Léon Bloy, un auteur à découvrir ou à redécouvrir !
Tags : Livres - Littérature Alain Soral
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