Le problème, c’est que l’homme est un animal qui produit sa propre histoire : par conséquent, le ramener étroitement à sa "physiologie de primates" ne conduit pas très loin en vérité. Quelle que soit la validité de cette thèse (ni vous ni moi ne sommes sans doute habilités à la confirmer ou à la réfuter) il est un fait indéniable que la chasse a constitué un puissant moteur évolutif dans l’histoire humaine, posant de nouveaux problèmes spécifiques à notre espèce (en termes d’organisation collective, de problèmes techniques à résoudre pour s’attaquer à de gros animaux, des prédateurs, etc.) et nous permettant d’accéder à de précieuses ressources animalières (peau de bêtes, laine et fourrure) qui ont certainement contribué à accroître nos chances de survie dans nos contrées européennes jadis très froides. La chasse a stimulé notre inventivité technologique. Un destin de ruminant est plus paisible... et passif. La chasse contraint l’homme à avoir une activité sociale organisée et hiérarchisée alors que la cueillette reste une activité par définition parasitaire et opportuniste (paradis perdu). Les animaux charognards rentrent d’ailleurs dans cette catégorie plutôt que dans celle des carnivores. La chasseur, c’est l’homme qui commence à créer son histoire : les premières œuvres d’art figuratives et narratives sont des scènes de chasse. Imaginez ces hommes regroupés autour d’un feu, narrant les exploits d’un tel, moquant la maladresse d’un autre, cherchant des moyens d’être plus efficace... tout cela n’est pas imaginable avec un régime purement frugivore. Personne ne peindra une fresque pour décrire une palpitante journée de cueillette. A fortiori, si l’homme a pris de tels risques pour pouvoir manger de la viande (une simple blessure pouvant se révéler rapidement mortelle au paléolithique), c’est que les bénéfices devaient justifier la dépense énergétique dans un contexte de rareté (voire de famine) où quelques calories économisées pouvaient faire la différence entre la survie et la mort.
Attention, je ne défends pas la consommation frénétique de viande dans le cadre de l’alimentation moderne. Je suis révolté par le sort concentrationnaire que doivent subir les animaux pour que des gros tas puissent se gaver de viande en toute quiétude...
Les chimpanzés sont d’extraordinaires chasseurs. Ils sont responsables
de la disparition de 20% des singes qui vivent autour d’eux. La viande
est pour eux un plaisir, et elle se digère facilement. En saison sèche
en Côte d’Ivoire, ils en font même une ressource indispensable. Le
chimpanzé est un végétarien à tendance omnivore. Comme il est plus
proche de nous, on pense que la capacité de chasser existe depuis fort
longtemps. Leslie Aiello, un chercheur britannique a émis l’hypothèse que la
consommation accrue de viande a pu favoriser le développement du cerveau
humain. La digestion fait peser un coût métabolique important sur
l’organisme et le cerveau est gourmand en glucose. A partir du moment où
les hommes se sont mis à consommer de la viande, dont la digestion est
aisée, la charge métabolique qui pesait sur l’intestin a pu être dédiée
au développement d’un gros cerveau.
Un ministre de l’agriculture qui déclarerait son amour à la France des terroirs serait aussitôt accusé de chauvinisme, de pétainisme, et d’idéaliser une France barrésienne "de la terre et du sang" qui "n’a jamais existé" comme on dit dans les médias.
Quand vont-ils finir par comprendre que ces effusions sois-disant républicaines ne font que creuser le lit de l’antisémitisme et alimenter les tensions communautaires ? Surtout qu’il n’est pas seulement question ici de garantir la sécurité d’une communauté ethnique, mais d’un ministre qui se laisse clairement aller à des commentaires incompatibles avec la laïcité, à moins de laisser croire que la laïcité ne s’appliquerait effectivement qu’à la religion chrétienne et musulmane.
C’est sûr, c’est agaçant le libre-arbitre, ça demande de réfléchir, d’assumer son existence et ses choix, au lieu de blâmer ceux des autres et d’en appeler à la métaphysique pour toute justification ... mieux vaut être un panda mâchant passivement des feuilles d’eucalyptus pour se rapprocher de Dieu.