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Commentaire de Walid Haïdar

sur On fait passer la vraie gauche pour l'extrême droite


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Walid Haïdar 16 février 2012 16:54

Toug, tu parles d’éthique immanente mais tu ne cites pas Spinoza, auteur de l’Ethique, et philosophe de l’immanence par excellence. Par ailleurs tu sembles confondre éthique et morale, ce qui me choque, personnellement : l’éthique est régie par des principes, la morale est faite de normes : c’est pourquoi je pense que l’éthique doit être répandue, tandis que la morale doit être réduite au minimum qu’imposent les "contingences" de l’évolution des sociétés humaines.


Je n’ai pas l’impression que tu l’aies lu. Il n’est pas du tout d’accord avec ta conception du bien et du mal (et moi non plus, d’ailleurs ça me fait plaisir de ne pas être d’accord avec toi cette fois-ci).

Une citation célèbre de Spinoza est que "si un homme est convaincu qu’il est dans son intérêt de se pendre, il serait fou de ne pas le faire". Bien entendu, c’est à moitié pour choquer qu’il le dit ainsi.

Pour Spinoza (et je suis d’accord) le bien et le mal n’existent pas. Il y a le bon et le mauvais, et ces qualificatifs sont relatifs à la nature de chacun : l’essence de chaque homme, c’est son désir, rien d’autre. Naturellement, je ne désire pas ce qui est bon, c’est dans l’autre sens : je considère telle chose bonne parce que je la désire. Par la découverte cognitive de mon rapport particulier au monde, j’en déduis la connaissance de ce qui m’augmente ou me diminue : lorsque je m’élève à ce niveau de pensée adéquate de mon rapport au monde, j’en viens à désirer ce qui m’augmente réellement et non ce qui me diminue. Ce qui est bon est donc finalement ce qui augmente ma puissance d’agir, d’affecter et d’être affecté, tandis que ce qui est mauvais est ce qui diminue ma puissance et ma capacité à affecter et à être affecté.

Par ces principes simples, Spinoza aboutit pour sa part à une vie relativement chaste, frugale, renonce à l’héritage de son père (assez riche commerçant), ne possède à peu près rien (il habite des meublés et poli des verres pour manger), et prône une société démocratique (contre les penseurs de son temps, y compris chez les lumières). Cela embêtait beaucoup ses détracteurs de tous bords, car il prônait l’abolition de la morale divine en échange de la quête de vérité, mais était de fait plus conforme lui-même à la part noble de la morale divine, que ne l’étaient ses détracteurs.

Si tu n’as pas lu Spinoza, ou que tu ne l’as pas intégré, je te le conseille vivement (à voir ou revoir pour s’assurer qu’on est pas passé à côté de quelque chose d’extraordinaire).

"Dites moi ce qui vous a conduit à lire Spinoza. Le fait qu’il était juif ?
- Non, Votre honneur, je ne savais même pas qu’il l’était quand je suis tombé sur son livre. et d’ailleurs si vous avez lu l’histoire de sa vie, vous avez pu voir qu’à la synagogue on ne l’aimait guère. J’ai trouvé le volume chez un brocanteur à la ville : je l’a payé un Kopek en m’en voulant sur le moment de gaspiller un argent si dur à gagner. Plus tard j’en ai lu quelques pages, et puis j’ai continué comme si une rafale de vent me poussait dans le dos. Je n’ai pas tout compris, je vous l’ai dit, mais dès qu’on touche à des idées pareilles, c’est comme si on enfourchait un balai de sorcière. On est plus le même homme...
- Voudriez-vous m’expliquer l’importance qu’a pour vous l’oeuvre de Spinoza ? En d’autres termes, si c’est une philosophie, en quoi consiste-t-elle ?
- Ce n’est pas facile à dire... Selon le sujet traité dans les divers chapitres et bien que tout se tienne souterrainement, le livre signifie différentes choses. Mais je crois qu’il signifie surtout que Spinoza voulu faire de lui-même un homme libre - aussi libre que possible vu sa philosophie, si vous voyez ce que je veux dire - et cela e allant jusqu’au bout de ses pensées, et en reliant tus les éléments les uns aux autres, si votre Honneur veux bien excuser ce galimatias.
- Ce n’est pas une mauvaise façon d’aborder le problème. A travers l’homme plutôt qu’à travers son oeuvre. Mais..."

Malamud, the fixer

Je te conseille la traduction de Misrahi pour l’éthique, et de commencer par le traité de la réforme de l’entendement, si tu es intéressé.

On peut le comprendre de diverses façons, mais à mon sens Spinoza est aussi matérialiste que Marx. Le matérialisme, ce n’est pas l’aspiration à posséder des choses matérielles. C’est la conscience de que tout est déterminé par des causes matérielles avant tout.


Pour pouvoir penser librement, il faut pouvoir manger librement : si on dépend de quelqu’un pour manger, alors donc notre pensée est corrompue par cette personne (bien entendu, il y a des degrés divers de dépendance, mais ce principe s’affirme avec force quand on regardequi dépend de qui matériellement, et qui manipule qui !).

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