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Commentaire de Éric Guéguen

sur Daniel Cohn-Bendit à propos de la démocratie réelle, le tirage au sort, la dette et la création monétaire


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Éric Guéguen Éric Guéguen 22 avril 2013 22:32

@ perlseb :
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Voilà ce que je crois, et si je ne dois être lu qu’une seule fois, que ce soit celle-ci :
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Il y a deux cents ans, le pouvoir politique a été repensé de sorte que l’on puisse parvenir à un compromis. D’un côté il n’était plus question de laisser le peuple sur la touche - d’autant plus qu’il venait de goûter le sang -, de l’autre, il était bien illusoire de lui confier la direction des affaires, tout analphabète qu’il était dans son immense majorité.
Ce fut l’occasion d’expérimenter, à la suite des Anglais et des Américains, le vieux rêve du régime mixte, censé réunir les bienfaits de la démocratie et ceux de l’aristocratie.
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Deux caractéristiques s’imposent à moi lorsque je me penche sur chacun de ces régimes : la totalité d’un côté, l’hétérogénéité (ou variété) de l’autre.
La démocratie, en ce sens, est un régime prenant en compte la totalité de la société, c’est sa grande vertu. Mais cette vertu est assortie d’un vice : elle nie l’hétérogénéité des êtres qui la constituent et ne tolère que l’uniformité. En clair, la démocratie bride les capacités les plus manifestes, donc toute verticalité.
De son côté, l’aristocratie a le grand mérite, la grande vertu de faire droit à cette hétérogénéité, d’assumer la diversité des êtres, leur singularité, leurs talents épars. Mais une fois de plus cette vertu s’accompagne d’un vice sévère : celui de n’avoir de considération que pour une minorité eu égard, généralement, à son sang ou à sa richesse. Pour être bref, l’aristocratie bride le champ de recherche du talent, donc toute horizontalité.
J’appelle à présent puissance politique l’aire générée par la verticalité et l’horizontalité prises en compte. Il est alors évident que le régime le plus capable sera celui qui permettra l’étendue la plus grande de ces deux dimensions, champ de recherche du talent en abscisse, utilisation effective de ce talent en ordonnée.
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Il nous reste à présent à analyser le régime représentatif qui est le nôtre. Et, de fait, celui-ci a bel et bien opéré une hybridation, avec à l’esprit nos deux impératifs du début : garantir une souveraineté populaire, pour flatter le bon peuple qui a d’autres chats à fouetter que le gouvernement à proprement parler, et réserver l’exercice sérieux de celui-ci à une poignée de technocrates. Soit une limitation verticale : le suffrage universel, doublée d’une limitation horizontale : la professionnalisation de la politique. C’est-à-dire précisément les deux vices susmentionnés. Des quatre configurations, le régime représentatif est sûrement le moins efficace !
À présent, si j’ai raison dans mon analyse – et je doute d’emporter la moindre conviction sur ce site – je vous laisse imaginer le gâchis que constitue notre pseudo démocratie et a contrario le formidable outil politique qu’aurait permis l’hybridation des deux vertus au lieu de celle des deux vices de chaque régime.
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C’est en cela que je ne suis ni démocrate, ni aristocrate, ou les deux à la fois. Nous sommes tous d’accord pour constater les inégalités d’aujourd’hui. Mais à mes yeux, notre époque est des plus perverses, car c’est l’obsession du nivellement qui engendre l’oligarchie, et non l’existence d’élites autoproclamées comme la conjoncture le laisser présager à première vue, sans analyse de fond. C’est la sclérose produite par la professionnalisation couplée à l’impuissance engendrée par le suffrage, qui plus est "universel", qui a stérilisé le pouvoir politique et a laissé une aire de jeu immense aux forces du marché avec, d’un côté des professionnels de la politique aux ordres des lobbies de la finance, de l’autre des consommateurs hystériques obnubilés par leur sacro-saint pouvoir d’achat. Et devinez quoi ? Les lobbies de la finance spéculent justement sur le pouvoir d’achat.
Alors peut-être ai-je tort, mais j’aurai au moins la petite satisfaction d’avoir fait mon boulot de citoyen, fût-il limité à de simples coups d’épée donnés dans les eaux glacées de la majorité toute-puissante, celle de qui et à qui les bonimenteurs rabâchent l’innocence éternelle.
Merci de m’avoir lu, nous serons au moins deux.
EG


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