@yoananda2
Je n’essaie
pas de défendre mon « camp » (je suis né catholique mais je ne le
suis plus depuis que je suis devenu majeur, ce n’est donc plus mon camp) mais je
considère que ce rationalisme étriqué n’a rien à voir avec le catholicisme ( ou sinon de façon très périphérique).
Mon opinion
est que cela est lié à un imaginaire qui est né avec la société industrielle au
XIX siècle et qui est dominé par la physique classique. La société a commencé à
être vue comme un vaste système d’horlogerie qui serait l’objet de diverses
forces. Cette façon de regarder la société comme un objet posé devant soi va
mener logiquement à explorer ses différentes déterminations et à rechercher les
lois de son fonctionnement pour agir sur elles. Et bien évidemment, les seuls à maitriser ces lois, ce sont les experts. Cet imaginaire va imprégner divers
aspects de la société, y compris la pensée économique et juridique. Et c’est
ainsi qu’on va se retrouver avec une conception selon laquelle les mesures
politiques doivent s’imposer de manière technique aux individus. Mais encore
faut-il convaincre monsieur et madame tout le monde d’accepter ces réponses
techniques. Est donc venue l’idée de transformer les masses en les rééduquant
et en les réorientant dans la bonne direction grâce à des techniques de
fabrication du consentement. C’est sur cette base qu’est née l’ingénierie sociale
moderne. L’ expert devient donc une autorité dont la fonction est d’apprendre
aux masses ce qui est objectivement vrai ou faux et de formater les consciences. Dans ce régime représentatif (qui a été entretemps
rebaptisé habilement « démocratie »), la source du pouvoir n’est pas
le peuple, mais la « science » ( en réalité pseudo-science) dont le savoir
est détenus par des experts, c’est ainsi que la question de la souveraineté populaire
se trouve de fait évacuée, ce n’est qu’une fiction juridique qui
ne sert qu’à fabriquer le consentement des masses dans nos prétendues « démocraties »
( qui se révèlent être concrètement des oligarchies).
Cet imaginaire
va évoluer avec le temps et ne va plus se limiter à l’univers de la physique
classique, il va intégrer celui de la biologie en s’appuyant notamment sur l’évolutionnisme
darwinien ( mais pas que) et ensuite avec l’invention des ordinateurs, il va
intégrer l’univers de l’informatique. Malgré toute ces évolutions, le principe
reste le même : les sociétés sont vues comme des objets soumis à des lois
et l’expert est seul habilité à trouver des solutions aux problèmes qui se
posent, il n’est plus question de gouverner stricto sensu mais d’agir au jour
le jour en gestionnaire technique des contraintes. Le citoyen n’a plus sa
raison d’être.
On confond
souvent cet imaginaire avec le néolibéralisme mais il le précède, il lui a en
quelque sorte donné naissance, tout comme il a aussi donné naissance au
socialisme et au nazisme (ou du moins, si l’expression "donner naissance" est exagérée, on peut dire qu’ils lui ont emprunté cette fétichisation de la
science). Je fais partie des gens qui nomment cette matrice conceptuelle « l’industrialisme ».