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Le fou de T'chou

Le fou de T’chou

Ô phénix, ô phénix ! Ruine des idées fixes.
L'avenir n'attend plus, le passé est révolu.
Dans un monde en paix, le sage apparaît.
Dans un monde en guerre, le sage se terre.
Ô dans cette pourriture, rien que la torture !
Bonheur est comme plume, pour qui veut le ramasser.
Malheur est comme plomb, pour qui se fait du mouron.
Adieu ! Adieu ! sages prétentieux.
Danger ! danger ! Regarde où tu mets les pieds !
La route est épineuse, et ma marche est tortueuse.
Moi qui ne suis pas l'ornière, je ne finirai pas dans la fondrière !

Tableau de bord

  • Premier article le 08/06/2018
  • Modérateur depuis le 16/06/2018
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    Le fou de T'chou Po-houen Wou-jen ???? 2 mars 2015 17:14

    @ Gollum

     Oui, vous avez tout à fait raison, j’ai peut-être forcé un peu les traits sur l’édition de Liou-Kia hway. Elle a effectivement fait un réel effort de traduction, et celle-ci n’est pas aussi mauvaise qu’il n’y paraît, ou ce que j’ai pu en dire. Le point que j’ai soulevé par contre, et qui est discutable, c’est la méthode utilisée. Le fait de rendre les passages difficiles du texte chinois, mot à mot en français dans les notes, de façon presque systématique, est plus préjudiciable à la compréhension du texte par le lecteur qu’autre chose. Le lecteur, qui a peut-être réussi à saisir, grosso modo, ce qu’évoque la phrase traduite en français, se reporte en note, et se retrouve devant une phrase qui lui est au final inintelligible. Une transcription mot à mot en chinois aurait été à la rigueur utile, si le public visé était les sinologues. Après, il est vrai, Mme Liou mentionne quelque fois la glose classique, et donne son avis sur la signification du passage en question, mais ceci est réalisé de façon tout à fait parcellaire. En bref, ce n’est pas un mauvais ouvrage, il est quand même rangé dans la collection de la pléiade, mais il faut s’en méfier. Cette traduction n’est pas aussi bonne que celle de Burton Watson ou A.C. Graham en anglais, par exemple.

     Des lecteurs trouveront peut-être cela étrange de passer tant de temps à débattre sur les problèmes liés à la traduction. Le fait est que, pour le Zhuangzi, les problèmes de traductions, qui sont inhérents à tout texte littéraire, sont démultipliés. Pourquoi ? Parce que l’auteur même de l’ouvrage, ou d’une partie du moins, confesse de manière explicite qu’il fait exprès de voiler ses paroles : « Toutes mes paroles sont des énigmes que seul peut-être un grand sage, d’ici des milliers de générations, parviendra à déchiffrer. Mais ce ne sera là qu’une rencontre de hasard ». On retrouve ici le style décapant, volontairement provocateur, voire même ironique, caractéristique du personnage. La manière dont il dit procéder n’est pas sans rappeler le vieil adage hermétique : « Dire sans dire, monter sans montrer, cacher sans cacher » …

     En considérant ce dernier point, deux manières de traduire sont envisageables. Soit on essaie de reproduire l’aspect incantatoire et énigmatique que véhicule l’œuvre dans son ensemble, en essayant de garder, tant bien que mal, tous les degrés de lecture du texte. C’est ce que s’est attaché à faire Jean Lévi. Soit au contraire, on détricote le texte pour en sortir la substantifique moelle. En bref, qu’on mâche un tant soit peu le travail pour le lecteur, pour que le texte lui soit directement intelligible. C’est ce que s’attache à faire J.-F. Billeter. Les deux démarches sont bonnes, et constituent, je pense, les deux facettes d’une même pièce. Cela dit, ces deux méthodes comportent aussi des lacunes.

     Dans le premier cas, celui de Jean Lévi, l’entreprise est louable et bienvenue, mais manque d’appareil critique pour préciser le contenu du texte, ou de mots importants auxquels il convient de faire attention. Cette attitude est toutefois délibérée de sa part, allant à l’encontre de l’aspect « incantatoire » qu’il veut insuffler au texte. Il faut, à cet effet, rappeler que la lecture même du chinois peut être assimilée à l’exercice que nous propose Zhuangzi et Jean Lévi. La lecture du chinois demande un effort conscient du lecteur, qui ne peut arriver à comprendre ce qu’il lit que s’il s’investit réellement dans ce qu’il fait.

     Enfin, on peut avancer l’argument que de toute façon, toute traduction française d’un texte chinois rédigé en langue classique est vouée à l’échec, et ne peut rendre la richesse du sens véhiculé par le texte originel. C’est vrai, mais cela ne fait pas avancer le schmilblick. Dans le deuxième cas, celui de J.-F. Billeter, il y a un risque de perte des multiples sens que le texte original peut avoir. Ceci est toutefois compensé par les précieuses « leçons » que celui-ci en tire, ainsi que des traductions qu’il donne au texte, éclairant avec sa lanterne des pans entiers de l’œuvre, restés jusque là dans l’ombre. En bref, la méthode de J.-F. Billeter est vraiment remarquable, géniale, mais demande un effort presque « surhumain » pour faire comprendre les principes étudiés, pourrait-on dire hermétiques, à un lectorat lambda. Cela demande une clarté d’analyse et de méthodologie sans faille, ce que réussi à donner J.F. Billeter, mais avec une parcimonie un peu trop prononcée pour ses collègues sinologues. Là aussi, c’est volontaire de la part du traducteur. Une question intéressante serait de statuer sur le bien fondé de cette entreprise. Doit-on aujourd’hui détricoter l’œuvre, ou doit-elle garder son voile de mystères ? Même si l’analyse de J.F. Billeter tend à détricoter, celui-ci le fait patiemment, et quand on se renseigne sur ses travaux, on voit bien qu’il lui tient à cœur de vraiment rendre justice à cette œuvre. Mais comment parler de « mystique » sans renvoyer systématiquement à la connotation relativement péjorative que ce mot a pour nous aujourd’hui, comment parler « d’hypnose » à des scientifiques bien-pensants ? Tout ceci tend à nous montrer qu’il reste un long chemin à parcourir … 

     Il y a un dernier point sur lequel je voudrais attirer votre attention, que j’ai omis de mentionner dans mon commentaire précèdent, et qui vient compliquer la tâche du lecteur pour comprendre cette œuvre. Le Zhuangzi n’a pas une seule voix, mais de multiples voix, qui se contredisent entre elles. Ceci a pour effet de ruiner toute tentative d’interprétation générale de l’œuvre. Il y a Zhuangzi, ses émules, mais aussi d’autres auteurs, qui expriment des points de vues parfois très différents. Il s’agit même, pour certains, des véhicules de l’idéologie impériale, se situant donc à mille lieux des intentions du Zhuangzioriginel. On devine aussi ici pourquoi le Zhuangzi a été conservé dans les bibliothèques impériales, et pourquoi il n’a pas été détruit comme beaucoup d’autres ouvrages. Il a servit le système, ce qui peut sembler paradoxal lorsqu’on considère certains passages de l’œuvre. Certains sinologues ont tentés d’identifier ces voix mais, à mon humble avis, ces études ne sont pas totalement convaincantes, et j’ai peur qu’elles ne puissent l’être sans de nouvelles découvertes archéologiques. Mais qui sait… C’est aussi une des raisons pour lesquelles on ne peut pas dire avec précision quelles parts du Zhuangzil’auteur originel, si tant est qu’il existe vraiment, a écrit. D’où le titre d’un des ouvrages de Jean Lévi : ‘Le petit monde du Tchouang-tseu’ car le Zhuangzi est un monde en miniature, avec toute sa pléthore de personnages et de discours tous plus dissemblables les uns que les autres. Là aussi, deux méthodes peuvent être envisagées, vous le devinez peut-être, l’une à la Jean Lévi, l’autre à la J.-F. Billeter. L’une considère l’ouvrage dans son ensemble, dans sa totalité, dans toutes ses voix, l’autre essaye de retrouver la petite voix du Zhuangzi qui tend à être noyé dans la masse. Il est donc opportun d’avertir le lecteur : tout n’est pas à prendre pour argent content dans ce livre. De la même manière, je pense qu’on ne peut dissocier une lecture particulière du Zhuangzi, sur les intentions de l’auteur originel par exemple, sans l’insérer dans la totalité de l’œuvre. Cette multiplicité de points de vues à l’intérieur d’un même ouvrage renforce dans une certaine mesure l’attitude critique qui doit guider l’individu dans sa recherche du Bien, du Beau et du Vrai, tant clamée par le philosophe. Ce sont l’existence de ces différentes strates d’une même réalité qui peuvent mener le lecteur à appréhender l’ineffable « autre côté du miroir », l’existence véritable d’un monde parallèle, qui est aussi revendiquée au cœur de l’ouvrage. 



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    Le fou de T'chou Po-houen Wou-jen ???? 2 mars 2015 02:07

      J’approuve le fait que la traduction de Liou Kia-hway n’est pas du tout satisfaisante. La méthodologie utilisée pour traduire, comme vous le soulignez, fait du mot à mot : ceci ne fait que trahir un manque de compétence patent de la part du traducteur. Malgré son niveau de langue insuffisant, Mme Liou aura au moins eu le mérite d’essayer,. Si je suis aussi sévère, c’est que sa traduction a été, pendant longtemps, le seul moyen d’accès au livre pour les francophones.

       Il faut bien sûr mentionner J.-F. Billeter, qui a amorcé un travail de traduction vraiment remarquable sur le texte... Une autre façon de concevoir la traduction de ce texte a cependant aussi été envisagée parJean Lévi, qui a publié une traduction complète depuis 2010. Si vous devez lire le Zhuangzi, sautez sur cette édition. Elle n’est bien évidemment pas parfaite. Mais la grande érudition de M. Lévi sur la Chine ancienne, le regard critique qu’il porte sur celle-ci, ainsi que les talents d’écrivain indéniables dont il fait preuve, en fait une traduction in-con-tour-nable. 

     La contribution de Patrick Rambaud, pour faire connaître cette œuvre fascinante à un plus grand nombre, doit évidemment être saluée. Quelques précisions, j’en conviens un peu délicates à mentionner à l’antenne, doivent toutefois être introduites.

      M. Rambaud dit à deux reprises que Zhuangzi, le personnage historique, serait l’auteur des sept premiers chapitres de l’ouvrage. Cette position se fait en réalité l’écho d’un véritable dogme de la sinologie. Le fait est qu’aujourd’hui, nous sommes incapable de dire avec certitude quelles parts duZhuangzi l’auteur historique a véritablement écrit de sa main. L’édition actuelle du texte chinois a été compilé près de cinq siècles après la rédaction de l’ouvrage, aussi on ne sait pas à quoi ressemblait le Zhuangzi à cette époque. Sa rédaction s’étant étalée sur près d’un siècle et demi, plusieurs strates de composition peuvent toutefois être identifiés.

     Ensuite, P. Rambaud dit que la religion en Chine, cela n’existe tout simplement pas. Cette déclaration est tout à fait fausse. Il s’agit d’une idée fausse véhiculée, de façon paradoxale, par les missionnaires jésuites lors de la Renaissance, donnant ainsi de l’eau au moulin de quelques personnalités de l’époque, tels que Voltaire, qui cherche un système de pensée dénué de religion. P.Rambaud essaye de se rattraper ensuite, et dit que la religion n’existait pas encore à l’époque des Royaumes combattants. C’est bien tenté, mais c’est encore se méprendre sur l’histoire de la Chine. Définissons la religion : “ Système de représentation du monde et de croyances fondé sur la foi, et consolidé par l’accomplissement de rites dans le cadre d’un culte rendu à une ou plusieurs puissances célestes ”. Depuis la fondation de la dynastie Zhou au XI siècle avant notre ère, le fonctionnement de toutes les institutions, tous les systèmes de représentation et de croyances, incluant tout le système cultuel est tourné vers une seule entité : le Ciel, ici assimilé à la Nature. Tout le monde croyait en cette entité suprême, et lui rendait par conséquent un nombre important de culte rituel. À la Terre pour le peuple, à la Terre et au Ciel pour la caste dirigeante. La mention de ce sujet invite bien sur à plus de développement... 

     La religion en Chine, ça n’existe pas donc pour l’auteur, et d’ajouter pour bien enfoncer le clou : « ce sont des traditions populaires, des devins, des magiciens… » (hum… il y aurait tellement à dire...)

       Mais poursuivons. M. Rambaud dit : « le taoïsme est devenu une religion, mais cela n’existait pas à l’époque, le taoïsme est né un siècle après ». Il faut savoir que ce monsieur ne dit pas d’énormité, il reprend simplement le discours que beaucoup de sinologues tiennent encore aujourd’hui. La réalité est, comme vous vous en doutez peut-être, un peu plus complexe. Le mot « taoïsme » a bien été inventé un siècle et demi plus tard. Mais il faut toujours se méfier des –isme... Les croyances et pratiques qui sous-tendent le taoïsme seraient nées précisément à cette date, par l’opération du Saint-Esprit. Non, sérieusement, on dit que le taoïsme religieux est né à cette époque parce qu’il a commencé à se former en clergé, regroupant des pratiques religieuses communes. Mais la religion se résume-t-elle à l’Église ? 

      Poursuivons. « Zhuangzi n’est pas tellement taoïste finalement », voilà une proposition qui pourrait plaire à J.-F. Billeter… mais que je n’approuve pas. M. Rambaud poursuit : « les taoïstes c’étaient des alchimistes qui cherchaient l’élixir de longue vie, mais lui pas du tout, il parle de la mort d’une façon extrêmement moderne » C’est un point très important, et paradoxal (encore ce mot) qui est ici évoqué... mais dont la réponse ne pourra se faire valoir que lorsque l’on arrêtera de parler d’alchimie de manière aussi désinvolte.

       Et on continue : « Il est indépendant de toutes les doctrines et de tous les pouvoirs ». Cette phrase n’est pas non plus à prendre à la légère, elle est profondément vraie. Tellement vraie qu’elle a été écrite par mister Sima Qian, qui était aussi un sacré numéro dans le genre vraiment indépendant, entendons ici l’esprit critique bien affuté. Beaucoup d’autres points pourraient être évoqués, et surtout celui du pouvoir… qu’il ne faudrait pas entendre uniquement du point de vue politique... Mais passons.

     Précisons un dernier point, que M. Rambaud mentionne de façon un peu confuse. Si le Zhuangzi est peu connu en France, tout le monde connaît cette œuvre en Chine. Du moins, les chinois connaissent quelques passages emblématiques, souvent énigmatiques, qu’ils ont appris à l’école. Il nous faut ici dénoncer l’interprétation traditionnelle de l’ouvrage qui est véhiculée depuis plusieurs centaines d’années, et qui est encore très largement véhiculée de nos jours — « même » chez les sinologues américains — … On a fait du Zhuangzi, l’œuvre et donc le personnage, un système et un homme qui préconiserait, d’une manière générale, de « se tenir à l’écart du monde (chushi) ». Cette attitude qui serait typique du taoïste vient bien évidemment s’opposer au confucianiste, qui participe lui pleinement à la vie en société (rushi). Cette interprétation, encore largement répandu dans le monde sinologique, et surtout en Chine même, est erronée au plus haut point. Je me contenterai de la remarque suivante.

       Cette vision particulière du Zhuangzi constitue un exemple éloquent de la réinterprétation idéologique qui s’est opérée depuis l’ère impériale : les conditions de la vie politique, intellectuelle et morale depuis cette époque ont basculés de façon irrémédiable. À l’époque du Zhuangzi et de sa critique réfléchie du pouvoir, font écho les débats d’idées qui prennent alors place au cœur des cours princières. Les exégètes, eux, s’inscrivent dans un univers totalement différent. Après plus de quatre siècles de suprématie du système impérial chinois, qui verrouillait toute dissidence politique — système qui n’était pas encore inventé à l’époque de Zhuangzi ­—, celui-ci s’écroule. Commence alors une période marquée par le chaos, l’incertitude générale liée la possibilité ou non de vivre sereinement en société. Ces exégètes ont compris le Zhuangzi à l’aune des problématiques qui leur étaient propre, et non par rapport à celles des auteurs qui ont écrit l’ouvrage originel. Cette interprétation a bien sûr arrangé le pouvoir impérial lorsqu’il est revenu sur le devant de la scène, saisissant ainsi l’opportunité d’anéantir définitivement toute la charge éminemment satirique de l’œuvre à l’égard du pouvoir politique. Enfin, ces exégètes, qui ont construit le discours officiel sur le Zhuangzi, discours qui est encore largement véhiculé aujourd’hui, sont issus de l’aristocratie. Etant donné leur statut social, ils pouvaient bien choisir quel mode de vie ils voulaient adopter… Les vrais taoïstes, c’est-à-dire les gens du bas peuple au savoir paysan qui crevaient de faim cinq siècles plus tôt, à l’époque du Zhuangzi, croyez-vous qu’ils tenaient vraiment à vivre à l’écart du monde ? Ne serait-ce pas la violence et la débauche généralisée d’un monde décadent qui nous aurait fait croire, à nous contemporains, qu’ils voulaient absolument vivre « à l’écart du monde » ? Notre société ne les aurait-t-elle pas relégué au rang social d’intouchables, de persona non grata ? Et donc, au mythe de l’impossibilité de traduire leurs oeuvres ? 

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