@Guepe maçonne
Il y’a depuis
quelques années une grande confusion sur la notion d’islamisme,
particulièrement en France. L’islamisme est par définition un projet politique porté par un mouvement social ou un parti politique, fondé sur une référence explicite à l’islam, recourant
à des activités et des démarches proprement politiques contre l’Etat ou le cas échéant depuis l’Etat dans
un cadre institutionnalisé (participation à des élections, manifestations,
pétitions, etc.). Certes l’islam politique en
tant qu’entité unie et indivisible n’existe pas, il ne peut se concevoir que
comme une somme de courants pluriels, divisés, souvent antagonistes et porteurs
de projets que l’on ne saurait confondre en un seul mais le principe est là :
le recours au vocabulaire de l’Islam et aux textes de la tradition religieuses
musulmanes pour formuler un projet politique. Les frères musulmans par exemple,
dans leur volonté explicite de faire de l’islam la source unique en matière de
législation et ou de soumettre tous les citoyens de confession musulmane à
l’autorité de la Charia en leur imposant l’uniformité de l’identité et des
coutumes intégristes, sont des islamistes, on a affaire avec eux à des organisations
qui déploient une stratégie de conquête politique ( ou de résistance politique).
L’islamisation
c’est autre chose, c’est une somme de choix individuels qui vont avoir un effet
sur la visibilité de la religiosité islamique. On a tendance à considérer par
exemple qu’une femme parce qu’elle porte le voile est islamiste, et pourtant il
se peut que cette femme ne s’investit pas dans un projet d’islam politique, qu’elle
ne milite pas en faveur d’une islamisation du droit etc., elle porte juste un
voile pour des raisons personnelles et d’ailleurs elle enlèvera ou remettra ce
voile pour des raisons qui ne tiennent toujours qu’à elle et de la façon qu’elle
souhaite. Idem pour le rigoriste qui ne serre pas les mains des femmes. Et tous
ces choix individuels sont très divergents, changeant d’un moment à l’autre,
selon l’humeur, l’évolution des croyances etc. Et ce sont des gens qui en
général ne vont pas accepter qu’une autorité islamique leur impose quoi faire,
il y’a un éclatement des pratiques. C’est pour ça que, s’il est entendu que les
sociétés nord-africaine vivent une islamisation continue et profonde depuis
quarante ans, l’islamisme politique a échoué.
Ce n’est pas
parce qu’il n’y a pas une augmentation de la tolérance contre l’apostasie ou
des homosexuels ou que l’on critique les jeunes qui ne font pas le ramadan que
l’islamisme est vigoureux. Quand on ne sait pas distinguer ce qui relève des
valeurs, des opinions, des mœurs d’une part et ce qui relève de la conquête politique
et ou de l’opposition politique d’autres parts, on ne peut pas comprendre qu’islamisation
et islamisme ne vont pas de pair ( c’est même le contraire).
Tu parles du
voilement des femmes mais il n’y a pas de consensus sur la façon de le porter,
certains sont pour le voilement intégral, d’autres pas, d’autres disent même
que ce n’est pas une prescription obligatoire et ainsi de suite, cela s’illustre
par le fait qu’il existe des tas de tuto sur internet sur la façon de le porter
avec des débats interminables, et dans ce brouhaha, rares sont ceux qui sont prêt
à accepter une autorité politique ou un grand parti politique qui va imposer à
tous sa façon de voir. On pourrait multiplier les exemples comme ça qui
montrent qu’il n’existe pas de consensus possiblement imposable par le haut.
Tu dis que
tu ne vois pas ce rejet des autorités religieuses mais j’ai envie de te
répondre quelles sont ces autorités religieuses acceptées par tous ? Ou ne
serait-ce que par la majorité ? Aujourd’hui, les puissances normatives ne sont
même plus les moquées, ça se joue au niveau des faiseurs d’opinions sur
internet, particulièrement chez les plus jeunes ( et on ne parle pas de sociétés
vieillissantes là). Même en Iran qui est pourtant la définition même de l’Etat
islamiste, les autorités religieuses sont décrédibilisées, la population, les jeunes surtout, s’émancipent des règles édictées dès qu’ils en ont la possibilité.
« Les
Etats européens ne s’entendaient pas non plus et se sont même fait violemment
la guerre entre eux et pourtant , ils ont dominés toute la planète ».
Précisément,
ce sont des Etats, soit des organisations politiques qui ont un pouvoir de coercition.
Ce n’est pas la même chose qu’un individu qui décide dans son coin de ne pas
faire la bise aux femmes et qui n’a ni la possibilité, ni l’envie d’imposer ses
choix aux autres par la force. Contrairement aux organisations islamistes qui
elle aussi sont dans une logique de coercition ( puisqu’elles veulent le pouvoir
politique).