@yoananda2
« J’aurais
aussi été intéressé de les connaître, parce que la, tu présentes une vision qui
va dans ton sens. (si ma supposition est bonne bien sûr). »
Ce que je t’ai
présenté, c’était la conclusion, pas une vision qui va dans mon sens mais je n’avais
pas pigé que tu ne demandais que les arguments contre. Pour te répondre
précisément, il va falloir que je relise les débats, parce qu’il me semble qu’en
1905 ils s’étaient focalisés sur les signes religieux sur les monuments publics
et que c’est de là que va être déduit en 1983 l’obligation de neutralité religieuse
des fonctionnaires mais c’est flou dans mon esprit, il va falloir que je revoie
tout ça.
« Ca
se réduit à un rapport de force, certes, mais c’est ainsi. La violence c’est
couteux ».
Très bien. Une fable. Au pays des
lettres, monsieur A, B et C constituent le pouvoir législatif (ce sont eux qui
font les lois).
Monsieur A présente un sondage qui
montre qu’une majorité de la population est hostile au voile et s’en sert pour promouvoir son interdiction. Là Monsieur
B lui répond qu’un Etat de droit n’est pas une dictature de la majorité, et le
fait qu’elle désire ou désapprouve quelque chose ne suffit pas pour restreindre
les droits individuels. Monsieur A lui explique que cette hostilité est très forte
et que c’est la paix civile qui risque d’être menacé. Monsieur B lui répond que
rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que le voile menace la paix civile et qu’on
ne peut pas s’appuyer sur des extrapolations et des analyses prospectives pour réduire les droits individuels, il faut du
concret.
Monsieur A monte alors un plan. Il fonde une
organisation anti islam, et attend. Un attentat islamiste a lieu et il saute sur
l’occasion pour envoyer son organisation ratonner autant de femmes voilées qu’il
est possible. Ensuite, il retourne voir monsieur B et lui dit voilà, là
maintenant on a du concret, les troubles sociaux se multiplient à cause de ce
voile islamique et pour ne pas qu’ils en arrivent à leur paroxysme, il faut l’interdire. Monsieur B acquiesce,
après tout, il est légitime de restreindre le droit de porter ce que l’on veut
au nom de l’intérêt supérieur de la nation qu’est la paix civile, et ensemble
ils votent son interdiction.
Monsieur C s’était abstenu. Mais il a
observé tout le petit manège de Monsieur A. Et comme il déteste les identitaires,
il trouve là une fabuleuse occasion de les tailler en pièce. Il monte sa petite
organisation anti fasciste et ses membres se mettent à ratonner tous les identitaires
qu’ils peuvent. Il va voir monsieur B et lui dit voilà, les mouvement identitaires
sont un problème, leur existence menace la paix civile. En toute cohérence avec
sa décision précédente, monsieur B acquiesce, après tout, la paix civile est
supérieure à tout. Mais monsieur A proteste, il hurle que ce ne sont pas les
identitaires qui troublent la paix civile mais le mouvement anti fasciste
violent et que c’est lui qu’il faut dissoudre. Monsieur C lui répond que dans
ce cas, au lieu d’interdire le voile, il aurait fallu dissoudre le mouvement
anti islam violent. On se retrouve donc maintenant dans un système où il suffit
d’user de violence contre un ennemi pour réduire ses droits, en principe la loi
est là protéger le faible contre le fort, maintenant le fort s’en sert
librement pour disposer du faible à sa convenance. Et le problème, c’est que le plus fort ne l’est jamais éternellement et tout le monde maintenant se sent en insécurité, c’est la guerre de tous contre tous.
C’est une fable extrêmement caricaturale
qui n’est pas là pour dire qu’il ne faut pas interdire le voile évidemment (elle
est trop conne pour ça), elle n’a qu’un seul objectif, te faire comprendre que,
oui, on peut toujours invoquer un principe pour promouvoir un changement ou un
statut quo, mais ces principes sont généraux et impersonnels, ça veut donc dire
qu’il faut faire très attention à ce qu’ils ne se retournent pas contre soi. C’est
en connaissance de cause que dans un débat parlementaire, ceux qui
proposeraient l’interdiction du voile viendrait avec des arguments incomparablement
plus solides que monsieur A, et qu’ensemble avec monsieur B et C, ils
analyseront bien plus méticuleusement toutes ces justifications et toutes les
conséquences pour acquiescer ou pour réfuter sa proposition dans le cadre de la
rationalité juridique, ce n’est pas une question d’arbitraire, c’est pour ça
que dans certains cas, en changeant un principe sur un aspect, c’est toute l’architecture
juridique qui est modifiée avec des conséquences notables sur plusieurs autres aspects
qui n’avaient rien à voir avec le premier, il y’a une logique qui se déploie.