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Commentaire de maQiavel

sur 6 févr. 2021 - Un Professeur de philosophie à Trappes -banlieue parisienne- menacé de mort par des "islamistes"


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maQiavel maQiavel 10 février 2021 21:29

@yoananda2

«  J’aurais aussi été intéressé de les connaître, parce que la, tu présentes une vision qui va dans ton sens. (si ma supposition est bonne bien sûr).  »

Ce que je t’ai présenté, c’était la conclusion, pas une vision qui va dans mon sens mais je n’avais pas pigé que tu ne demandais que les arguments contre. Pour te répondre précisément, il va falloir que je relise les débats, parce qu’il me semble qu’en 1905 ils s’étaient focalisés sur les signes religieux sur les monuments publics et que c’est de là que va être déduit en 1983 l’obligation de neutralité religieuse des fonctionnaires mais c’est flou dans mon esprit, il va falloir que je revoie tout ça.

« Ca se réduit à un rapport de force, certes, mais c’est ainsi. La violence c’est couteux  ».

Très bien. Une fable. Au pays des lettres, monsieur A, B et C constituent le pouvoir législatif (ce sont eux qui font les lois).

Monsieur A présente un sondage qui montre qu’une majorité de la population est hostile au voile et s’en sert pour promouvoir son interdiction. Là Monsieur B lui répond qu’un Etat de droit n’est pas une dictature de la majorité, et le fait qu’elle désire ou désapprouve quelque chose ne suffit pas pour restreindre les droits individuels. Monsieur A lui explique que cette hostilité est très forte et que c’est la paix civile qui risque d’être menacé. Monsieur B lui répond que rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que le voile menace la paix civile et qu’on ne peut pas s’appuyer sur des extrapolations et des analyses prospectives pour réduire les droits individuels, il faut du concret.

Monsieur A monte alors un plan. Il fonde une organisation anti islam, et attend. Un attentat islamiste a lieu et il saute sur l’occasion pour envoyer son organisation ratonner autant de femmes voilées qu’il est possible. Ensuite, il retourne voir monsieur B et lui dit voilà, là maintenant on a du concret, les troubles sociaux se multiplient à cause de ce voile islamique et pour ne pas qu’ils en arrivent à leur paroxysme, il faut l’interdire. Monsieur B acquiesce, après tout, il est légitime de restreindre le droit de porter ce que l’on veut au nom de l’intérêt supérieur de la nation qu’est la paix civile, et ensemble ils votent son interdiction.

Monsieur C s’était abstenu. Mais il a observé tout le petit manège de Monsieur A. Et comme il déteste les identitaires, il trouve là une fabuleuse occasion de les tailler en pièce. Il monte sa petite organisation anti fasciste et ses membres se mettent à ratonner tous les identitaires qu’ils peuvent. Il va voir monsieur B et lui dit voilà, les mouvement identitaires sont un problème, leur existence menace la paix civile. En toute cohérence avec sa décision précédente, monsieur B acquiesce, après tout, la paix civile est supérieure à tout. Mais monsieur A proteste, il hurle que ce ne sont pas les identitaires qui troublent la paix civile mais le mouvement anti fasciste violent et que c’est lui qu’il faut dissoudre. Monsieur C lui répond que dans ce cas, au lieu d’interdire le voile, il aurait fallu dissoudre le mouvement anti islam violent. On se retrouve donc maintenant dans un système où il suffit d’user de violence contre un ennemi pour réduire ses droits, en principe la loi est là protéger le faible contre le fort, maintenant le fort s’en sert librement pour disposer du faible à sa convenance. Et le problème, c’est que le plus fort ne l’est jamais éternellement et tout le monde maintenant se sent en insécurité, c’est la guerre de tous contre tous.  

C’est une fable extrêmement caricaturale qui n’est pas là pour dire qu’il ne faut pas interdire le voile évidemment (elle est trop conne pour ça), elle n’a qu’un seul objectif, te faire comprendre que, oui, on peut toujours invoquer un principe pour promouvoir un changement ou un statut quo, mais ces principes sont généraux et impersonnels, ça veut donc dire qu’il faut faire très attention à ce qu’ils ne se retournent pas contre soi. C’est en connaissance de cause que dans un débat parlementaire, ceux qui proposeraient l’interdiction du voile viendrait avec des arguments incomparablement plus solides que monsieur A, et qu’ensemble avec monsieur B et C, ils analyseront bien plus méticuleusement toutes ces justifications et toutes les conséquences pour acquiescer ou pour réfuter sa proposition dans le cadre de la rationalité juridique, ce n’est pas une question d’arbitraire, c’est pour ça que dans certains cas, en changeant un principe sur un aspect, c’est toute l’architecture juridique qui est modifiée avec des conséquences notables sur plusieurs autres aspects qui n’avaient rien à voir avec le premier, il y’a une logique qui se déploie. 


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