La robotisation crée-t-elle le chômage ?
Cette idée reçue revient depuis des années comme un serpent de mer dans les médias, et jamais elle n’est abordée correctement, c’est-à-dire factuellement. A chaque fois les bons sentiments prennent le dessus, et les intervenants sont tétanisés à l’idée qu’ils puissent défendre la robotisation, qu’ils opposent nécessairement aux humains. Or rien n’est plus faux.
Cette fois la question était abordée dans l’émission Ce soir ou jamais sur le progrès :
Aucun intervenant, malgré la qualité de ceux-ci, n’aborda la question d’un point de vue scientifique, à savoir que le progrès technologique crée de l’emploi. Comment en serait-il autrement, puisque nous sommes bien plus nombreux qu’avant, et que nous avons tous un emploi, à 10% près en France, à 5% près en Allemagne, alors que la technologie et la robotisation n’ont cessé de se développer. Une opinion selon laquelle la robotisation tuerait l’emploi ne tient donc pas dans les faits. Le socialisme tue l’emploi, pas la robotisation qui en crée.
Le sociologue Raymond Boudon l’avait bien étudié dans ses livres, et notamment dans un de ses livres majeurs, L’art de se persuader des idées douteuses, fragiles ou fausses. Comme l’ouvrier perd son emploi à cause de la robotisation, il ne voit pas que la robotisation crée plus d’emploi qu’il n’en détruit, et des plus qualifiés que le sien. En effet, il surinterprète son cas personnel et le généralise à la société entière, passant à côté de faits indéniables comme les ingénieurs nécessaires à créer, maintenir, réparer, améliorer, breveter, etc. les machines en question. Sans parler des gains de productivité créés, qui permettent de créer de l’activité par ailleurs, en utilisant le temps de travail ainsi libéré.
Mais il y a mieux encore, car l’argument massue en faveur de la robotisation n’a pas été approché ni même imaginé. La réalité étant complexe, les conséquences d’un phénomène sont souvent inverses à ce qu’on pense qu’elles seront. Edgar Morin, père de la complexité, expliquait cela par une illustration simple : ““L’amour de l’humanité peut s’égarer et se mettre au service d’une politique opprimant l’humanité au nom même de l’humanité, alors nous voyons que l’amour de l’humanité, plus encore que la haine, peut conduire à la plus extrême inhumanité. A l’inverse, des actions strictement égocentriques, mues par l’intérêt personnel le plus sordide, peuvent, en s’insérant dans le jeu des inter-rétroactions sociales, contribuer bien plus utilement au bien général que la bonne volonté fourvoyée.” (1)
Voilà une bonne leçon pour les belles âmes de gauche, donnée par un intellectuel de gauche qui plus est. Mais la meilleure leçon pour eux est la suivante : sans la robotisation, le monde n’aurait jamais pu profiter des tableaux de Renoir. Quel rapport me direz-vous ? Eh bien, c’est simple : quand on se penche sur la biographie de Renoir, on découvre que c’est à cause de la robotisation de la peinture sur céramique que Renoir, dont c’était le travail, fut mis au chômage. Il n’eut d’autres choix que de se reconvertir dans la peinture, et nous offrir parmi les plus beaux tableaux de toute l’histoire de l’humanité. Dans l’excellent film de Gilles Bourdos sur Renoir, avec Michel Bouquet dans le rôle titre, c’est Renoir lui-même qui l’explique à ses amis et à son fils, Jean Renoir, qui allait devenir l’un des cinéastes les plus talentueux de sa génération. Le serait-il devenu sans ce père mit au chômage par les machines ?
Jean de Kervasdoué est le seul intervenant du plateau de Taddéï à s’être approché de cette vérité, en expliquant que la robotisation nous avait libéré, et continuerait de nous libérer des tâches ingrates et indignes de l’homme, pour libérer sa créativité et son génie. Quel meilleur exemple que les tableaux de Renoir pour illustrer concrètement ce fait absolument indéniable ?
(1) Pour sortir du XXème siècle, p. 298, Points Essais (poche), novembre 1984
Tags : Chômage
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON