L’impact militaire du Hezbollah en Syrie
Les combats en Syrie se sont exacerbés ces dernières semaines, les batailles se poursuivent avec une grande intensité sur différents fronts et chaque partie tente de changer l’équilibre des forces à son avantage, d’autant plus qu’une solution politique n’est pour le moment pas envisageable entre Damas, les oppositions armées, les puissances régionales et internationales.
Depuis le début de la guerre, l’armée arabe Syrienne a montré son incapacité à réduire l’opposition armée pour des raisons structurelles :
1. Cette armée est une force militaire équipée et organisée suivant le modèle soviétique , c.à.d. avec une disproportion des troupes blindées sur celles d’infanteries, certainement en prévision de conflits avec des armées modernes régionales, notamment Israël.
Mais cette structure s’avère être un handicap dans les combats contre les rebelles, certes hétéroclites au niveau de la compétence et qui ne disposent pas d’ un commandement unifié , mais armés, financés voir formés par des puissances régionales et internationales et adaptés à la guérilla urbaine.
Ces forces armées rebelles, par des attaques ciblées ont su fragiliser et désorganiser l’appareil administratif et militaire de l’Etat Syrien dès le début du conflit.
Par leur audace et leur agressivité elles ont réussi à s’emparer de 50 % à 60 % du territoire syrien.
Face à des combattants locaux et surtout des groupes d’étrangers qui ont quitté leurs pays pour mourir en martyr pour des raisons eschatologiques et messianiques, la force morale des conscrits ne fait pas le poids.
La force des rebelles, quel que soit leur type, ne réside pas dans leur compétence, car à part quelques groupes composés de combattants d’élites selon les standards occidentaux provenant essentiellement de Tchétchénie et d’Afghanistan, leur amateurisme est flagrant :
Leur équipement individuel est sommaire voire inexistant, pour le combat anti-char, lorsqu’ ils disposent de quelque chose, ce ne sont que des RPG-7 dont ils ne semblent pas trop savoir comment s’en servir.
Beaucoup d’entre eux ont combattu en Lybie contre Kadhafi et ils en ont gardé leurs mauvaises habitudes de surexcités, ils s’agitent beaucoup sans faire grand ?chose.
Mais leur expérience passée leur a apporté un semblant de connaissances tactiques semble-t-il car ils progressent mieux qu’en Lybie : ils vont d’obstacles en obstacles, couvrent leurs flancs (pas toujours), choisissent de bonnes positions etc.
En conclusion, ces combattants n’ont aucune valeur particulière.
Leur véritable force réside dans leur détermination. Parmi les rebelles, beaucoup sont des combattants venus de l’étranger ayant tout laissé derrière eux et trouvent dans ce combat, une raison de vivre. Ils n’ont rien à perdre sinon leur propre vie, ce qui est même parfois ardemment recherché, mourir en martyr sur la terre de « Cham », qui joue un rôle privilégié dans le scénario eschatologique, est en quelque sorte une destinée de rêve.
Animés d’une foi inébranlable et d’un romantisme messianique et eschatologique, beaucoup de ces moudjahidines aiment la mort comme leurs adversaires aiment la vie.
Les conscrits se laissent facilement prendre par la peur, sont hésitants, préfèrent se terrer plutôt que de bouger, préfèrent s’enfermer dans leurs véhicules blindés plutôt que d’aller déloger les rebelles au fusil et à la grenade.
Les soldats de l’AAS avant et après un attaque
La seule motivation qui les pousse à ne pas déserter en masse (quoi qu’il semble que des sections entières désertent fréquemment, le plus souvent pour tout simplement aller se cacher chez des membres de leurs familles) est qu’ils ont conscience que s’ils ne remportent pas la guerre, ils risquent, eux et leurs proches, d’êtres persécutés par les islamistes.
Par contre il faut reconnaître l’abnégation de certains contingents de conscrits qui subissent d’assez lourdes perte sans se révolter. Ils semblent, en tous cas ceux n’ayant pas désertés, imprégnés de leur devoir de citoyen soldat.
Les combattants du Hezbollah
Dans ce contexte, l’expérience, le savoir faire et la force morale des combattants du Hezbollah est un secours plus qu’appréciable pour la classe dirigeante Syrienne.
Depuis que leur chef Hassan Nasrallah leur en a donné l’ordre il y a plus d’un an, des milliers de combattants du Hezbollah ont franchi la frontière et permis au régime Assad de reprendre l’initiative.
Marchands ambulants, agriculteurs, restaurateurs, infirmiers, chômeurs, commerçants ou étudiants, ils ont tout abandonné pour participer à ce qu’ils décrivent comme une "bataille existentielle" face aux extrémistes sunnites qualifiés de "takfiri" (littéralement : ceux qui lancent des anathèmes).
Il s’agit pour la plupart de volontaires ayant une solide expérience de la guerre associée à un savoir- faire cohérent et pragmatique.
Leurs connaissances techniques sont souvent en deçà de celui de leurs homologues professionnels Syriens mais leur expérience et leur intelligence du combat fait plus que compenser la différence.
Ils ont une approche dure et réaliste du combat et connaissent toutes les ruses et tactiques pour infliger le plus de pertes possibles à l’adversaire tout en se préservant au maximum.
Quant à leur force morale, à en juger par certains témoignages, elle est solide comme le roc :
"Quand le parti m’a demandé d’y aller, j’ai obtempéré. J’ai laissé mon travail et je suis parti pour empêcher les takfiri d’arriver au Liban", assure Mahmoud combattant aguerri et quinquagénaire trapu à la barbe rousse.
Fatima a encouragé son fils de 16 ans à partir se battre, malgré la mort de son mari en juin 2013 dans les combats dans la ville syrienne de Qoussair : "J’ai envoyé Khodr, avec des dizaines d’autres jeunes, suivre un entraînement militaire d’un mois. Il faut qu’il apprenne à manier les armes pour devenir un combattant comme l’a été son père", dit cette veuve de 46 ans.
Voilà un témoignage qui nous rappelle les « Apophtegmes lacédémoniens » de Plutarque. Dans ce recueil, on voit des Lacédémoniennes exhorter leurs enfants au courage, se réjouir de la mort glorieuse de leurs fils au combat et inversement s’indigner de les voir revenir en vie alors que les autres sont morts.
Devenue mère, la femme spartiate est censée se conformer à un modèle héroïque, dans l’un des aphorismes les plus célèbres, une mère dit à son fils de revenir avec son bouclier ou sur son bouclier, c’est-à-dire vainqueur ou mort.
A côté d’elle, Khodr prépare en silence des plants de tabac. Une barbe naissante, les yeux tristes, il porte à son cou une photo de son père et sur sa chemise un pin’s de Hassan Nasrallah accompagné de l’une de ses formules : "La victoire nous attend".
Son aîné, Wissam, 25 ans, est rentré de Syrie il y a une semaine. "Nous obéissons à Sayyed Hassan (Nasrallah) quand il nous invite à combattre. Mon père est tombé en martyr et il faut suivre son chemin".
Hussein, un étudiant en psychologie de 22 ans qui a combattu à Alep (nord syrien), s’apprête à suivre en Iran un entraînement pour devenir chef d’unité."C’est une promotion", confie-t-il tout excité, sous l’œil attendri de sa mère.
Réticents au début, les combattants du Hezbollah aujourd’hui parlent avec fierté de leur engagement en Syrie, même s’ils refusent de donner des détails sur les opérations militaires, le nombre de combattants engagés et le montant de leur solde.
Le Hezbollah assure qu’en cas de décès, il s’occupera de tout. "L’avenir de ma famille est assuré si je meurs. Il pourvoira à la scolarité de mon fils de 9 ans et à sa santé", confie Oussama, 38 ans, permanent du parti à Tyr.
S’il n’y a pas de chiffres officiels, les experts estiment que le Hezbollah a perdu plusieurs centaines de combattants en Syrie.
L’impact du Hezbollah sur le terrain
La reprise de Qousseir par l’AAS avec le soutien du Hezbollah en juin dernier a complètement désorganisé l’ASL qui s’est retrouvée sans renforts et sans ravitaillement possibles, d’où leurs difficultés actuelles dans le centre de la Syrie et à Damas.
La bataille de Qousseir était une défaite de taille pour l’ASL, les pertes matérielles et humaines ont été significatives pour elle.
Le Hezbollah s’est ensuite contenté de sécuriser la région autour de Qousseir pour interdire une reprise du ravitaillement.
De petites unités opèrent aussi à Homs et à Damas mais le gros de leurs forces est resté dans le sud du Liban, face à Israël.
L’armée syrienne et les combattants du Hezbollah ont commencé en novembre une offensive de reconquête de Qalamoun avec l’objectif de fermer hermétiquement ce secteur stratégique frontalier du Liban, qui servait de base arrière aux rebelles. L’armée avait enregistré une victoire importante à la mi-mars en reprenant Yabroud, un ancien bastion de la rébellion, avant de concentrer ses forces sur plusieurs villages frontaliers, dont Flita et Ras al-Maara.
Le contrôle total de Rankous, dernière grande localité tenue par les rebelles dans cette région, a été réalisé le mercredi 9 avril, les combattants du Hezbollah étaient en première ligne.
La reconquête de la région est "une nouvelle étape vers le verrouillage de la frontière", a estimé le responsable militaire.
L’armée arabe Syrienne soutenues par le mouvement chiite libanais et par des combattants venus d’Irak, armés par la Russie et bénéficiant de l’aide d’officiers iraniens, ont repris des territoires autour de Damas et dans le centre de la Syrie pour faire la jonction avec les places fortes alaouites sur la côte.
A présent, les soldats syriens ont recours aux intenses combats dans la localité de Lattaquié qui se déroulent en ce moment, aux mêmes tactiques que celles utilisées par le Hezbollah à Qalamoun.
L’Occident doit admettre qu’Assad restera au pouvoir2
Fort de ces succès, les dirigeants du Hezbollah ont exhortés les puissances qui soutiennent la rébellion … d’abandonner. Rien de moins !
Les Occidentaux doivent admettre la réalité de la situation en Syrie et le maintien du président Bachar el-Assad au pouvoir, a déclaré mercredi à l’agence Reuters cheikh Naïm Kassem, numéro deux du Hezbollah.
Divisés, les représentants de l’opposition syrienne ont prouvé leur incapacité à présenter une alternative viable après quarante années de pouvoir de la dynastie Assad, a poursuivi cheikh Kassem. "Le choix est donc clair : soit s’entendre avec Assad et parvenir à un résultat, soit faire durer la crise en sachant pourtant que le président syrien continuera à diriger le pays".
Ce documentaire de press TV met en avant des analyses d’experts, des discours politiques liés à ces événements et l’opinion des Libanais interviewés dans les rues de Beyrouth.
Sources :
Axedelaresistance
Agoravox.fr : Syrie , le point , par Pierre.
Regards stratégiques et tactiques sur la guerre en Syrie par Guillaume Martins
Le point.fr : les hommes du Hezbollah fiers de combattre en Syrie
Le monde.fr : en Syrie, l’armée son emprise à la frontière avec le Liban
Tags : International Syrie
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