Le peuple, la démocratie et l’égalité : les piliers intouchables de la modernité
Voici remis au goût du jour un article publié sur agoravox rouge par mes soins en 2013 consacré à un Plaidoyer pour une nouvelle Constitution que je me permets à nouveau de republier, et de compléter, compte-tenu de l'actualité.
Notre régime représentatif s'essouffle. L'individualisme de notre société moderne, la professionnalisation de la politique ainsi que son impuissance croissante dans la conduite de la nation, conjointe à l'influence grandissante des communautés et des lobbies, sont autant de signes révélateurs d'un déclin de ladite nation. Ce constat est largement partagé par l'ensemble de nos concitoyens mais les réponses proposées divergent. La vision la plus "populaire" et la plus diffusée sur la toile est celle consistant à réclamer, à l'instar d'un Etienne Chouard, un retour à la démocratie directe avec un système de tirage au sort. "Plus de démocratie" est devenu LE slogan que l'on n'a, pour ainsi dire, plus le droit de contester sous peine de subir les foudres de nos chers "démocrates". Et si la démocratie actuelle n'était pas la solution mais le problème à la situation actuelle ? A une époque où "tout se vaut" et où le chef de l'état en personne estime qu'il est important de "déconstruire la culture française", n'assiste-t-on pas, tout au contraire, au parachèvement de ladite démocratie et de son égalitarisme à tout crin ? De même, lorsqu'on constate un désintérêt complet de nos compatriotes pour "la chose publique", quand il ne s'agit pas d'une démission voire carrément d'une "soumission" (et ce n'est pas la période actuelle liée à la pandémie et à la restriction incroyable de nos libertés qui me démentira sur ce point), ne peut-on pas envisager une autre approche proposant un système de synthèse entre la vision 'verticale' de la politique, mettant en avant les meilleurs, et 'horizontale' associant tous les citoyens de bonne volonté à participer au "bien commun" ? Enfin ne peut-on pas s'interroger sur ce "peuple souverain" qu'on idéalise en permanence ? On évoque souvent la Démocratie Athénienne en tant qu'idéal mais qu'en est-il réellement ?
Voici 2 vidéos rappelant certaines "vérités" sur la démocratie athénienne dans laquelle l’idéale "égalitaire" fut en réalité un leurre, d’autant qu’Athènes n’a eu de cesse d’entretenir des velléités conquérantes ce qui n'est pas sans rappeler la gauche colonialiste sous Jules Ferry ou "l'Oncle Sam" d'aujourd'hui
Si comme le déclarait Churchill "la démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres", force est de constater que ce n'était pas l'avis des plus grands philosophes.
Platon et le "pire des régimes républicains"
Ainsi, pour Platon, la démocratie constitue le "pire des régimes républicains" (la tyrannie n’étant pas considérée comme républicaine). Platon théorise même l’aspect évolutif des régimes, la démocratie finissant par conduire...à la tyrannie. Schématiquement, cette évolution ressemble à ceci :
Démocratie —> Ochlocratie —> anarchie —> Tyrannie
Extraits de La République (562 b- 564 a)
"Mais n’est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien qui perd cette dernière ? I.e., la liberté ? En effet, dans une cité démocratique, tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saurait habiter ailleurs que dans cette cité. (…) Lorsqu’une cité démocratique, altérée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence ; alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie, les accusant d’être des criminels et des oligarques. Et ceux qui obéissent aux magistrats, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Par contre, elle loue et honore, dans le privé comme en public, les gouvernants qui ont l’air d’être gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air d’être gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout ? Qu’il pénètre dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin, l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ? Que le père s’accoutume à traiter son fils comme son égal et à redouter ses enfants, que le fils s’égale à son père et n’a ni respect ni crainte pour ses parents, parce qu’il veut être libre, que le métèque devient l’égal du citoyen, le citoyen du métèque, et l’étranger pareillement. (…)Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés ? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse qu’à la moindre apparence de contrainte ceux-ci s’indignent et se révoltent ? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître. Eh bien ! c’est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie. (…) Ainsi, l’excès de liberté doit aboutir à un excès de servitude, et dans l’individu, et dans l’Etat. "
En évoquant l’aboutissement du régime à la "tyrannie", Platon ne faisait, en réalité que s’appuyer sur des faits historiques puisque, suite à la défaite d’Athènes face à Sparte lors de la guerre du Péloponnèse, s’est établi ce qu’il est convenu d’appeler le "régime des trente". Soit 30 oligarques qui ont pris le pouvoir et abolit la plupart des institutions démocratiques.
Par ailleurs, les analogies de ce siècle démocratique athénien avec notre chère "démocratie représentative" actuelle ne manquent pas : démagogie, formation de "groupes de pression" dans les affaires de la Cité, relativisme de plus en plus présent,...bref tout un ensemble de comportements que Socrate avaient dénoncés, dénonciations qui aboutirent...à sa condamnation à mort ;
Mais il y a une cause racine à tout cette dérive, cause qui fut envisagée par Platon puis ensuite, des siècles plus tard théorisée par un libéral appelé Tocqueville : l’individualisme !
Alexis de Tocqueville et la "tyrannie du nombre"
Voici un extrait du fameux ouvrage de Tocqueville : De La démocratie en Amérique dans lequel il dénonce l’importance accordé au "nombre" inhérent à la démocratie et à son évolution (fatale) en ochlocratie puis à la tyrannie à laquelle conduit la "masse".
"Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul, et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie.
Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, prévoyant, régulier et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre"
Jean-Jacques Rousseau et le Contrat social
Enfin évoquons Jean-Jacques Rousseau, le père du "Contrat Social" et l’un des principaux théoriciens de la "souveraineté populaire", donc peu soupçonnable d’être taxé de ’vilain réactionnaire’ et qui, pourtant, estimait que c’était l’Aristocratie qui était le meilleur des régimes. J’invite donc tous les gens se revendiquant "de gauche" à relire attentivement le Contrat Social (Livre 3, ch V)
"Les premières sociétés se gouvernèrent aristocratiquement. Les chefs de famille délibéraient entre eux des affaires publiques ; les jeunes gens cédaient sans peine à l’autorité de l’expérience. De là, les noms de Prêtres, d’anciens, de Sénat, de Gérontes. les sauvages de l’Amérique septentrionale se gouvernent encore ainsi de nos jours et sont très bien gouvernés...
Il y a donc trois sortes d’aristocratie ; naturelle, élective, héréditaire. La première ne convient qu’à des peuples simples ; la troisième est le pire de tous les Gouvernements. La deuxième est le meilleur : c’est l’Aristocratie proprement dite. Outre l’avantage de la distinction des deux pouvoirs, elle a celui du choix de ses membres ; car dans le gouvernement populaire, tous les Citoyens naissent magistrats, mais celui-ci les borne à un petit nombre, et ils ne le deviennent que par élection ; moyen par lequel la probité, les lumières, l’expérience, et toutes les autres raisons de préférence et d’estime publique, sont autant de nouveaux garants qu’on sera sagement gouverné. De plus, les assemblées se font plus commodément, les affaires se discutent mieux, s’expédient avec plus d’ordre et de diligence, le crédit de l’Etat est mieux soutenu chez l’étranger par de vénérables sénateurs que par une multitude inconnue ou méprisée.
En un mot, c’est l’ordre le meilleur et le plus naturel que les plus sages gouvernent la multitude, quand on est sûr qu’ils la gouverneront pour son profit et non pour le leur...Mais si l’aristocratie exige quelques vertus de moins que le gouvernement populaire, elle en exige aussi d’autres qui lui sont propres ; comme la modération dans les riches et le contentement dans les pauvres ; car il semble qu’une égalité rigoureuse y serait déplacée ; elle ne fut même pas observée à Sparte."
Si donc Jean-Jacques Rousseau lui-même estime que ce sont aux "plus sages" à gouverner la mutlitude, ne pourrait(on pas s'interroger ? Ne pourrait-on pas en effet s'interroger si le meilleur des régimes ne serait pas celui qui confierait la gouvernance aux plus vertueux et aux plus compétents de nos concitoyens ? A ceux qui croient encore à la notion de "Bien Commun" et qui ont encore l'amour du pays.
Retrouver le sens du Sacré : Arnaud Beltrame le dernier chevalier
On critique beaucoup le communautarisme juif ou musulman mais on ne s'interroge jamais sur le fait de savoir pourquoi nous autres, les "français de souche" comme on dit, sommes incapables d'avoir ce lien aussi solide entre nous tels que les juifs ou les musulmans savent l'entretenir au sein de leur communauté respective. Tout simplement parce que d'une part nous sommes un pays déchristianisé (donc avons perdu ce lien qui nous unissait) et d'autre part parce que nous ne faisons plus "nation". Nous sommes devenus un "agrégat d'individus atomisés" n'ayant plus de sacralité (si ce n'est peut-être nos smartphones...) ni même de sens.
Pour l'illustrer et le comprendre, posons-nous une seule question toute simple : quelle est la cause pour laquelle je serais prêt à donner ma vie ? Qu'est-ce que je considère comme tellement grand que je suis prêt à offrir ma vie pour pouvoir préserver cette cause ? Contrairement à nous, les islamistes ont la réponse ! Et contrairement à nous, leur vie a un sens et c'est pour cela qu'ils sont aussi forts : ils n'ont pas peur de mourir et, pire que cela, ils désirent même mourir pour leur cause.
Mais il arrive parfois que dans cet océan de médiocrité et de ténèbres, des petites lumières s'allument et que des personnages qu'on croyait issu d'un autre temps nous rappellent que, oui, en France il n'y a pas que le fric et le pouvoir qui constituent le moteur de l'existence et que la grandeur existe encore.
Le cas Arnaud Beltrame est à et égard passionnant car lors de son face-à-face avec son assassin, il nous a montré que, face à la pulsion de mort islamiste qu'incarnait son bourreau en offrant sa vie pour en tuer d'autres, il existait également une pulsion de vie, toute chrétienne, consistant justement à offrir sa vie...pour en sauver d'autres ! Eric Zemmour avait à l'époque rendu un bel hommage (comme quoi il lui arrive encore de faire de belles chroniques) au Lieutenant-Colonel. C'est exactement cela la grandeur aristocratique digne des chevaliers d'autrefois
Redéfinir la citoyenneté ?
Si donc on considère que le régime actuel basé sur la quantité et non la qualité empêche de faire advenir "les meilleurs" au sens d'Aristote, peut-être pourrait-on par exemple s'interroger sur l'acquisition de la citoyenneté et en revoir les modalités de manière plus sélective, en procédant par exemple comme suit :
Tout individu se verra accorder la "citoyenneté" suivant le principe du volontariat et s’il remplit les conditions suivantes :
- Etre âgé au-minimum de 21 ans
- Etre de nationalité exclusivement française
- Disposer d’un casier judiciaire vierge
- Etre déclaré médicalement sain d’esprit
- S’engager sur l’honneur à consacrer de son temps libre à la participation au bien commun (suivant les critères que nous avons évoqués et qu’il conviendra de détailler).
- Faire preuve d’un niveau minimum requis de culture générale et plus spécifiquement de culture historique lié à son pays
A méditer...
Tags : Démocratie Citoyenneté
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