@herve_hum
« de mon point de vue, la constitution d’une armée peut se faire en réaction à une menace extérieure et c’est même souvent de cette façon qu’elle se constitue. »
Tout à fait mais je soulignais ceci : cette menace extérieure est elle-même militaire, et donc, comment cette armée s’est-elle constituée ? Je ne pense pas que ce soit la limite des ressources et la démographie qui soit le moteur (particulièrement à une époque d’où les humains étaient peu nombreux et où il y’avait une multiplication de grands espaces inhabités) mais plutôt le désir d’accumuler des biens matériels par la razzia ou de dominer des sujets qui paieront l’impôt ( cfr la théorie du bandit stationnaire). Mais pour en arriver là, il faut déjà une hiérarchisation préalable : pour qu’il y ait des soldats, il faut qu’il y ait des gens qui acceptent de travailler plus pour les nourrir afin de leur libérer du temps pour se consacrer à la guerre.
Mais pour le reste, je suis d’accord.
Pour revenir sur le chamanisme, je précise qu’on a constaté que les communautés gouvernées par des chefs ont nécessairement besoin de chamanes hiérarchiques alors que . diverses sociétés à chamanes hétérarchiques se passent de chefs.
@herve_hum
Je suis d’accord avec quasiment l’ensemble de votre propos qui est par ailleurs très intéressant. Il y’a une hypothèse anthropologique, qui ne vous contredit pas mais qui l’étaye en quelque sorte. L’idée générale, c’est que la hiérarchisation pourrait apparaître à la suite d’une spécialisation dans le domaine de l’imaginaire. Une analyse comparative amène à distinguer deux grands univers chamaniques : hiérarchique et hétérarchique.
-Dans l’univers hétérarchique, les esprits sont accessibles à tous et chacun s’immerger en eux par l’expérience onirique. Les relations entre humains et esprits sont avant tout des relations de personne à personne, entretenues et consolidées au fil de l’existence de tout un chacun. Ces liens de connaissance individuels échappent au contrôle des spécialistes rituels que sont les chamanes : ils ne sont que de simples facilitateurs d’interactions dyadiques entre chacun et l’invisible et s’éclipsent pour permettre une négociation directe, en face-à-face, entre les participants du rituel et les esprits ! La relation interpersonnelle que chaque participant peut nouer avec les esprits dans le rituel se développe ensuite en privé par des rêves. La part prise par les chamanes dans la gestion des rapports avec les différentes entités qui peuplent le cosmos est donc tout à fait négligeable.
- Dans l’univers hiérarchique, au contraire, seul le chamane a le pouvoir de communiquer avec les esprits, c’est un intermédiaire obligé, un diplomate assurant les rapports de la communauté aux esprits. Les séances rituelles le mettent au centre de la scène des négociations qu’il mène au nom de son groupe chez les esprits pour obtenir nourriture et bonheur. Ainsi le chamanisme fonctionne comme un verrou garantissant le pouvoir de passeurs exceptionnels capables seuls de traverser le monde des esprits, le chamane est celui qui possède un pouvoir sur les forces naturelles et devient le seul intermédiaire entre le monde matériel et le monde virtuel, le reste de la communauté dépendant symboliquement de lui pour régler les problèmes rencontrés avec les esprits.
Il y’a donc dans un cas un contexte dans lequel chacun est capable de communiquer avec les esprits et dans l’autre une délégation du pouvoir d’imagination. L’idée, c’est que l’univers chamanique hétérarchique précède chronologiquement l’univers chamanique hiérarchique : en confiant au chamane une responsabilité dans l’administration de leur vie cosmopolitique, la communauté se met à obéir à un principe de hiérarchisation qui entraînerait ainsi d’autres hiérarchisations à sa suite. L’expression première du pouvoir serait donc cosmopolitique avant d’être politique, et fondée sur l’accumulation non pas de biens matériels, mais de connexions personnelles avec les esprits.
D’ailleurs, concernant l’impôt, une vieille hypothèse postule que ses origines sont religieuses, via la pratique d’offrandes, de sacrifices, et des clercs qui sont les techniciens du rituel se présentant comme intermédiaires entre les hommes et les entités invisibles et qui sont concrètement les bénéficiaires de ces dons.
@yoananda2
"Aucun mystère. On fait ce que les singes font. Avec des mots en plus."
Si tu le dis. Et si on ne le fait pas, on est juste des singes un peu bizarres, contre nature quoi.
@yoananda2
L’homo-sapiens est un primate mais ses comportements sont culturels, donc tenter d’expliquer ses comportements sociaux par la biologie ne fonctionne pas. Et précisément, la culture paléolithique (et même au-delà suivant les lieux) empêche l’éclosion d’un pouvoir hiérarchique fondé sur la relation commandement/obéissance.
C’est avec le néolithique, à des vitesses variables selon l’espace et les ressources disponibles, que de nouvelles formes sociales marquées une organisation hiérarchique forte apparait.
Donc oui, dans ce contexte culturel, il y’a quelque chose de mystérieux dans le fait, qu’à un moment donné, un type ou un groupe de types disent : « Nous avons le pouvoir et vous allez obéir » et que ceux qui entendent ce discours disent « oui c’est vrai, vous avez le pouvoir et on va obéir »
@yoananda2
« qui ne démontre pas grand chose en soi »
Et je ne l’ai pas mentionné pour « démontrer » quoi que ce soit, donc ça tombe bien.
@herve_hum
Je reviens sur la fin. Vous dites « les hommes d’une armée obéissent aux ordres parce que dans l’état d’urgence, le temps du débat n’est pas possible et il faut la cohérence de l’ordre, donc, qui implique la désignation d’un chef. Ils obéiront soit pour défendre leur biens et leurs proches, soit pour acquérir des richesses en terme de valeur d’échange, soit enfin pour tout simplement permettre d’appliquer la loi commune sans laquelle une société ne peut pas exister. »
Je rappelle que nous parlons bien de la configuration du prédateur humain qui s’empare du pouvoir grâce à la guerre ou à la menace de guerre. Ça veut donc dire qu’avant la guerre ou la menace de guerre qui permet de créer l’état d’urgence et tout ce que vous avez mentionné, ce prédateur avait déjà à disposition des soldats qui lui obéissent. Et c’est logique : son armée est ici l’arme qui lui permet de créer une situation d’urgence pour s’emparer du pouvoir et prélever l’impôt.
Ma question était : Pourquoi ces hommes obéissent ils aux ordres ? Ou encore mieux : pourquoi a-t-il des hommes sous ses ordres ? La réponse acceptable est en effet que des hommes se mettent sous ses ordres pour acquérir des richesses. Mais précisément, cela montre qu’on est déjà dans un système hiérarchique car : pourquoi sous ses ordres à lui et pas un autre ? Pourquoi ça devrait être lui qui en tire le plus profit ?
Voici ce que je voulais dire : pour qu’on ait des chefs de guerre, disposant d’une armée pouvant faire la guerre ou menacer de la faire, il faut au préalable un système hiérarchique. Autrement dit, la guerre et la menace de guerre n’est qu’une conséquence de l’existence d’une hiérarchie préexistante. C’est pourquoi je disais que la guerre et la menace de guerre ne viennent pas en premier dans les chaines de causalité. Il y’a autre chose en amont de mystérieux, qui explique l’acceptation de l’obéissance, et donc la reconnaissance du pouvoir.
@yoananda2
Avant d’affirmer qu’une hypothèse est faible, il faudrait lire le papier, là je n’ai fait que raconter une anecdote historique.
Sinon, oui, c’est une hypothèse parmi beaucoup d’autres.
@herve_hum
Pour revenir au sujet, je comprends votre propos et je suis partiellement d’accord avec vous : jouir d’une position de pouvoir permet de s’approprier le temps de vie de ceux que l’on domine, en jouissant de leur force physique et intellectuelle. Il faut en effet qu’il y ait des gens qui acceptent de libérer du temps pour se consacrer à travailler plus au service d’autrui.
Cependant, ça permet également à celui qui commande d’être reconnu par ceux qui lui obéissent comme porteur d’une qualité le rendant supérieur, voir exceptionnel. Et cette jouissance sociale, n’est pas négligeable, les humains sont capables de mourir pour elle car ils s’inscrivent dans des espaces de réputation qui leur offrent un statut, une position sociale et une voie d’accomplissement. Il s’agit là également d’un capital social, qui n’est pas économique, mais symbolique. Et on revient à ce que vous disiez très justement sur Alexandre le grand parti à la conquête d’autres pays pour la gloire et sa propre grandeur (il est très loin d’être un cas historique isolé). Et si les humains sont capables de sacrifier leur vie pour ces enjeux de prestige, ils sont aussi capables de dépenser et/ou de fructifier leur capital économique pour fructifier ce capital symbolique, et c’est en ce sens que le capital économique peut être un moyen d’accroitre son capital symbolique.
Je suis d’accord avec le fait que la capacité à recueillir les richesses est la preuve physique de cette domination mais il n’y a pas que ça, cette domination se mesure également à la disponibilité et la multiplicité des partenaires sexuels (et ce n’est pas du tout un facteur à négliger non plus, c’est extrêmement important), à la quantité de larbins prêt à s’humilier, par calcul ou par admiration etc. Et il y’a un autre critère plus lugubre : ça se mesure également à la capacité à faire souffrir, c’est quelque chose qu’Orwell a brillamment exprimé dans un dialogue de 1984 :
« O Brien :Comment un homme s’assure-t-il de son pouvoir sur un autre, Winston ?
Winston : En le faisant souffrir
O Brien : Exactement. En le faisant souffrir. »
Autre sujet, vous dites « le seul argument qui justifie dans une communauté humaine de donner le pouvoir au prédateur humain, c’est la guerre ou menace de guerre ». Oui, la guerre et la menace de la guerre produisent cet effet. Mais ils ne sont pas les seuls. Et ils ne viennent même pas en premier dans les chaines de causalité. Observez bien : pour faire la guerre ou l’utiliser comme menace, il faut au préalable une armée. Pourquoi les hommes de cette armée obéissent-ils aux ordres ?
@yoananda2
Dans cet exemple, change d’époque et revient au néolithique, échange les ruskov contre des communautés de guerriers dont l’activité principale est le pillage des communautés voisine, et tu as là une hypothèse sur les origines du consentement à l’impôt.
@herve_hum
Ceci n’est pas une contradiction mais une parenthèse sur l’impôt puisque vous l’évoquiez. Je reviendrai sur l’ensemble de votre propos demain, pour l’heure, j’aimerai vous faire part d’une analyse historique sur les origines du consentement à l’impôt que j’ai trouvé passionnante.
L’anthropologue Charles Stépanoff parle dans un papier de la méthode utilisée par les Russes pour coloniser la Sibérie (cette méthode a aussi été utilisée dans d’autres lieux par les puissances coloniales occidentales, et même par les romains dans l’antiquité).
Et il explique que de nombreuses populations autochtones y vivaient sans chefs et ne connaissaient pas l’Etat, il fallait donc le leur enseigner et leur faire admettre le principe d’une obligation du paiement de l’impôt. Pas simple. Comment y parvenir ? Eh bien la réponse des colons a été d’y aller progressivement en recourant à une technique redoutablement efficace : la prise d’otages !
Des membres de ces communautés autochtones étaient saisi de force et enfermés par les colons dans leurs forteresses. En échange des otages, ils exigeaient des autochtones des fourrures (la conquête avait pour moteur la soif de fourrures précieuses dont la société russe était grande consommatrice et exportatrice).
La particularité du système, c’est que la rançon ne sera jamais définitivement payée. Le principe fondamental que les Russes cherchaient à enseigner aux autochtones était celui d’une dette collective inextinguible. Ces derniers commencent par apporter des fourrures contre la vie de l’individu emprisonné mais les Russes ne le libèrent pas, ou le font en échange d’un autre otage pour lequel il faut encore payer. Le processus se poursuis, de semaines en semaines, de mois en mois, parfois d’année en année, jusqu’à ce que les autochtones comprennent que la rançon ne sera jamais soldée. Et là leur vient une idée : ils demandent aux Russes s’il est possible de pouvoir continuer à la payer, mais sans avoir à livrer d’otages.
Et là, les Russes l’acceptent volontiers et sont ravis car ils constatent alors que les autochtones ont intégré le principe : l’impôt est une rançon à payer indéfiniment, même lorsqu’il n’y a plus d’otage.
@herve_hum
« Bon, sur ce point, je concède que l’équilibre est nécessaire à la formation d’un coalition.Tout simplement parce que l’équilibre ne veut pas dire l’égalité, mais en fonction de son poids relatifs aux autres. »
Exactement !
Je reviens sur ceci : "Une domination politique qui ne permet pas d’en tirer avantage n’a aucun intérêt, ne sert à rien". Vous n’envisagez pas que la domination politique en elle-même est un avantage et peut selon les cas devenir une fin en soi ?
C’est la thèse de Clastres : la première division, et celle qui fonde en fin de compte toutes les autres, ce n’est pas la division en riches et pauvres en exploiteurs et exploités, c’est la division entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent, c’est la division entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui subissent le pouvoir ! C’est aussi en substance ce qu’Orwell voulait transmettre dans 1984 : « Le Parti recherche le pouvoir pour le pouvoir » !
Et de cette perspective, la politique à l’intérieur d’une communauté ou entre les communautés a pour but de régler les questions de répartition de pouvoir, la richesse produite et l’impôt dû n’en étant que des conséquences et des moyens pour l’assurer.
Et c’est là qu’on pourrait vous répondre que le but d’une guerre est souvent (pas toujours) d’ordre politique pour assoir sa domination, et les moyens pour y parvenir sont, entre autres, d’ordre économiques, militaires, idéologiques etc.
Vous dites que mon inversion ne résiste pas aux faits en observant les actions des dirigeants des USA, mais je ne vois pas en quoi. Rien ne démontre que le maintient d’une hégémonie économique sur le monde n’est pas juste pour eux un moyen de maintenir une hégémonie politique sur le monde.
@micnet
« Oui alors si tu fais allusion à la période napoléonienne proprement dite, moi je dirais plutôt que c’était « la France contre le reste du monde »
Oui, tout à fait, et ce sont les Britanniques qui ont monté des coalitions contre elle pour revenir à une multipolarité.
« Mais peut-être que tu penses à la période qui a suivi le congrès de Vienne ? »
Oui, je pense aussi à avant la période napoléonienne. Je pense à tous les moments où il n’y a pas eu un empire qui a pris le pas sur tous les autres.
« Voilà ça ça me semble essentiel et cette projection à l’échelle mondiale me fait plus que douter de la possibilité d’un véritable équilibre multipolaire. »
Donc, ça veut dire que pour toi, un seul empire est destiné à dominer sans partage ? Pourquoi ?
@herve_hum
« J’ignorai que la banque des brics appliquait les sanctions americaines au rouble, ca resitue les bric
Vous êtes sûr de cette information ? Elle me semble quelque peu contradictoire avec la position des chinois quant à leur volonté de supprimer le dollar comme monnaie de réserve internationale. »
Vous devriez écouter la vidéo.
@micnet
« Mais, sans remonter jusqu’au traité de Westphalie, y-a-t-il une période de l’histoire récente où on s’est retrouvé avec un mode multipolaire équilibré tel que tu le souhaites ? »
Bien sûr. Je ne sais pas pourquoi sur ce fil on mentionne le traité de Westphalie, mais dans l’histoire, c’est la multipolarité qui est la norme, et l’unipolarité l’exception. Il est beaucoup plus rare de voir un empire dominer sans partage que l’inverse. Fait ironique : historiquement, l’un des plus grand acteurs de la multipolarité, eh bien c’était la puissance britannique qui faisait tout pour briser toute entente continentale en Europe en jouant les puissances les unes contre les autres. Les Bonapartistes s’en souviennent bien.
Cela dit, la particularité de notre époque depuis la mondialisation, c’est que les empires se projettent mondialement, et non plus régionalement, donc avant cela les pôles de puissances étaient régionaux (donc les multipolarités étaient régionales). Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on a connu que la bipolarité de la guerre froide et l’unipolarité américaine à la chute du mur de Berlin.
« Je pense au contraire que la morale liée à une idéologie est
fondamentale pour tout gouvernement afin de fédérer non seulement des alliés
mais également son propre peuple. »
Pour fédérer son propre peuple bien sûr, et concernant la Russie c’est simplement le patriotisme russe. Mais c’est pour fédérer des alliés que je suis plus dubitatif. Plus qu’une idéologie, ce qui pouvait fédérer une coalition autour de la Russie et de la Chine, c’est la menace que représente l’empire américain, à mon humble avis. L’Iran, Cuba, la RDC ou la Bolivie, pour ne prendre que ces exemples, n’ont pas besoin d’une idéologie commune pour s’allier à la Russie et à la Chine : la simple menace que l’empire américain fait peser sur eux suffit. Le problème, c’est que la Russie n’est plus crédible …
Oui, je connais Frédéric Encel, mais il ne m’intéresse pas beaucoup pour être honnête, il a une vision manichéenne et occidentaliste des relations internationales à mon sens …
@herve_hum
« Sur ce point, je suis d’accord, je me contredis moi même ! en effet, toute forme de communauté, y compris une coalition repose sur des règles communes, mais pas forcément sur l’équilibre, car cela implique un rapport de force équilibré, ce qui n’est pas toujours le cas. »
Une coalition repose forcément sur un rapport de force équilibré, sinon ce n’est plus une coalition mais un empire avec une force suzeraine au centre entourée de vassaux qui n’ont pas d’autres choix que de se soumettre et de la suivre. Et c’est justement en réaction aux empires de ce genre que les coalitions émergent.
« Pour votre exemple, ne pas confondre la guerre militaire de domination qui est toujours de nature économique et la vendetta. Cette dernière est l’exception, pas la règle. »
Votre distinction ne tient pas : une guerre de domination peut être une vendetta et une vendetta peut être une guerre de domination.
Pour le reste, comprenons nous bien : je ne dis pas que les guerres n’ont pas d’aspects économiques ou que ces aspects constituent l’exception, ou une sorte de détail. Je conteste ceci : « le militaire sert l’économie et JAMAIS l’inverse ». Je conteste par extension l’idée que le politique sert l’économie et jamais l’inverse. Je dis que c’est plus compliqué que ça et que l’histoire regorge d’exemples pour lesquels c’est l’économie qui sert le politique et le militaire.
Vous dites par exemple « les dirigeants des USA avec le dollar qui agit comme une forme d’impôt sur l’économie mondiale et combien ils ont défendu cet avantage et menacé quiconque voulaient s’en affranchir. »
Eh bien moi, en inversant les perspectives, je peux vous répondre que le privilège du dollar est avant tout une arme politique qui donne une compétence universelle aux autorités judiciaires américaines (et donc un pouvoir politique exorbitant sur le monde) et que les gains de seigneurage que cette monnaie confère sont un des moyens d’y parvenir. Et si les dirigeants US défendent ces gains et menacent quiconque voulant s’en affranchir, c’est pour conserver cette arme politique.
Vous dites que c’est TOUJOURS l’économique qui motive la guerre. Moi vous répond, encore en inversant les perspectives, que le politique PEUT motiver la guerre et l’économique devenir un moyen pour y parvenir. Vous dites que la domination se caractérise TOUJOURS par la capacité à prélever l’impôt et moi je vous réponds que le prélèvement de l’impôt est l’un des moyens de la domination politique.
Et je précise que j’inverse la perspective en étant moins absolutiste que vous : je ne conteste pas l’idée que c’est que le militaire et le politique puissent servir l’économie, ce que je conteste c’est que ce ne soit JAMAIS l’inverse.
Et au fond, ce que je conteste, c’est l’idée que la relation économique d’exploitation précède TOUJOURS la relation politique de domination, comme si le politique n’était qu’une dérive de l’économique, perception très commune aux marxistes orthodoxes que Clastres a brillamment contredits. Parfois c’est l’inverse, et ces cas sont suffisamment nombreux pour ne pas être considérés comme des exceptions (peut-être même sont-ils majoritaires).
Pour revenir sur la guerre du Péloponnèse, je conteste l’idée que la cause profonde soit d’ordre économique. Est-ce qu’il y’avait des motivations économiques à cette guerre ? Bien sûr (particulièrement du côté d’Athènes, pas celui de Spartes) mais la cause profonde, c’est la domination politique de la Grèce.
@herve_hum
« Une coalition est le fait d’une alliance contre un ennemi pour s’imposer à lui, »
Précisément. Mais pas seulement pour s’imposer à lui : ça peut être aussi pour ne pas qu’il s’impose aux autres.
« ce n’est pas une structure faites pour durer »
Tout dépend de ce qu’on entend par durer, une coalition peut durer le temps que ce qui l’a poussée à se former existe.
« et où les coalisés se trahissent dès lors que leurs intérêts particuliers divergent. »
Et se mettent alors en place de nouvelles coalitions et ainsi de suite.
« Ce n’est pas une structuration fondée sur l’équilibre et des règles communes »
Au contraire : toute coalition est fondée sur un équilibre et des règles communes. Sinon, elles n’existeraient pas. Qui a envie de former une coalition avec un prédateur susceptible de le dépouiller ? Il faut bien des garanties.
« Pour le reste, bien sûr qu’il existe une solution »
Magnifique. Quand est-ce que vous la mettrez en pratique pour sortir l’humanité du capitalisme ?
« démontrez moi qu’une chef militaire a un autre but que la domination économique et je veux bien revoir ma position, mais que ce soit de la Grèce antique, contemporain ou même du monde animal, le but est toujours l’économie »
Cette simple phrase démontre que vous ne connaissez pas la guerre du Péloponnèse et que vous ne connaissez pas Sparte, qui ne s’est pas lancé dans cette guerre pour dominer économiquement la Grèce ( ce qui aurait été en totale violation de ses institutions qui faisaient tout pour maintenir la cité pauvre). Mais je ne vais même pas entrer dans le détail de cet exemple, et je ne vais même pas citer les dizaines d’autres qui jalonnent l’histoire.
Je vais faire quelque chose de plus enrichissant : vous renvoyer à l’ethnologie. Christophe Darmangeat est anthropologue et étudie, entre autres, les sociétés de chasseurs cueilleurs aborigène. Et il montre que la guerre aborigène n’était pas liée à l’exploitation des humains entre eux, qu’elle n’engendrait pas de conquêtes territoriales ou de pillage de biens, elle était avant tout de nature judiciaire, c’est-à-dire une méthode de règlement de différends que lorsqu’on entretient avec le groupe hostile. Donc oui, les collectifs humains peuvent s’organiser méthodiquement dans le but de se tuer avec d’autres objectifs qu’économique :
https://www.revue-ballast.fr/christophe-darmangeat-aux-origines-de-la-violence/
https://www.lahuttedesclasses.net/2018/10/une-classification-des-formes-de.html
Mais je doute que ça vous convainc, la dernière fois, j’avais essayé de vous expliquer que les esclaves ne constituaient pas une classe, au sens marxiste du terme mais c’était impossible, trop dogmatique.
"et si les soldats n’ont pas d’autre raison que la guerre, c’est le chaos permanent"
Non, la domination politique peut être l’objectif d’une guerre. Et une entité peut même faire le choix de perdre économiquement pour gagner politiquement. Ce n’est pas si simple.
@herve_hum
« un pôle lorsqu’on parle des nations, est l’expression d’une souveraineté, or, la souveraineté n’accepte pas un ordre supérieur, ni d’obligation, ni de responsabilité. »
Si c’était vrai, les coalitions n’existeraient pas. Or, elles sont aussi vieilles que la diplomatie. Bref, je passe.
« la multipolarité que vous appelez "géostratégique" pour un citoyen de base qui veut vivre en paix avec ses voisins et du fruit de son propre travail, est juste une manière de motiver sa propre soumission volontaire et d’interdire toute opposition réelle à cette élite prédatrice. »
Soyons réaliste. Nous vivons dans des sociétés capitalistes. Si vous avez des solutions toute faites pour que l’humanité en sorte, moi je veux bien les entendre. De mon coté, je n’en ai pas. Donc, je considère qu’il faut s’adapter pour survivre.
S’adapter, c’est tenir compte du fait qu’il y’a des Etats et des élites qui les dirigent. On ne peut pas faire autrement. Partant de là, on trouve ce qu’il y’a de moins mauvais.
Maintenant, si vous voulez être idéaliste, très bien mais là, je ne vois pas quoi vous répondre parce qu’avec des idéaux, on peut créer le monde des bisounours dans sa tête, moi je préfère parler du monde réel.
« ce que vous ne voyez pas, c’est que le militaire sert l’économie et jamais l’inverse. »
Non, c’est une vision économiciste surannée. Nous en avions déjà parlé lorsque nous discutions d’esclavage et on a débouché nulle part. Donc je ne vais pas prolonger ici.
@micnet
« Certes. Mais juste pour comprendre, ce que tu appelles "structuration de l’ordre mondial", pour toi ça signifie que ça devrait passer par des instances internationales capables d’assurer cet équilibre (et si oui, cela signifierait que ces instances disposent d’une puissance "plus puissante" que les puissances actuelles pour s’imposer) ou bien est-ce que cet équilibre s’établirait "naturellement" du fait des rapports de force en présence ? »
C’est la seconde configuration. Il y’a forcément des instances internationales pour formaliser cet équilibre. Mais il faut bien comprendre qu’un équilibre de puissances repose avant tout sur les rapports de force. Les formalisations juridiques et administratives viennent après.
« Erdogan, je pense qu’on peut se mettre d’accord là-dessus, souhaite recréer (dans une certaine mesure) "l’empire Ottoman" »
Oui, Erdogan a des visées néo-ottomanes et ambitionne l’établissement d’un « empire ottoman-confrériste » sous l’égide de la Turquie et s’étendant de la Tunisie à la Syrie en passant par l’Egypte, Gaza et la Cisjordanie et la Jordanie. Là il vient de connaitre une grande victoire avec la chute du régime Baasiste. Mais au fond c’est la seule, la situation de la Turquie n’est pas fameuse.
« est-ce qu’il ne faudrait pas ajouter à cela aussi un manque d’idéologie fédératrice de la part de Poutine ? »
Mais pour fédérer quoi exactement ? S’il s’agit des anciennes républiques soviétiques, je ne pense pas car le souvenir de la détestation de la domination Russe à l’époque de l’URSS est plus fort que tout.
Et je ne suis pas certain qu’il faille absolument une idéologie fédératrice pour faire face aux Yankees.
@yoananda2
« pourquoi parler de "dictature américaine" plutôt que de "police" ? puisque c’est reconnu et eux même acceptent ce qualificatif. »
Qui leur a donné un mandat ? Si avec des hommes armés, j’entre chez toi en défonçant ta porte, en auto-proclamant qu’on est la police et en exigeant ta soumission, bah je suis un voyou.
Une police autoproclamée, ça s’appelle une bande armée, un gang ou une mafia. Littéralement parce que les mafias et les gangs organisent l’ordre public des territoires qu’elles contrôlent.
« Bon, je ne veux pas défendre les US, je récuse juste l’appellation de "dictature". »
Les empires dominent. Ils ne sont pas là pour gouverner démocratiquement à coup de tulipes ou de bisous, ils ordonnent et exigent à être obéit. Tous les empires dominent dictatorialement, les US ne sont pas le premier empire de l’histoire à faire exception.
@yoananda2
« c’est à toi que je pose la question. Tu ne vis pas dans ces pays. En quoi ça te concerne ? »
C’est un principe fondamental en matière de sécurité : ce qui concerne autrui me concerne aussi parce que je peux être le prochain. Quand tu as un voyou dans ton quartier qui tire une balle dans la tête d’un de tes voisins, la réaction intelligente n’est pas de se dire « ça ne me concerne pas » mais plutôt « Que faire pour que ça ne m’arrive pas ». C’est pareil pour les relations internationales : un empire qui écrase les pays qui ne se soumettent pas à lui devient une menace stratégique pour tous les autres.
« Nous, c’est notre président élu qui a voté l’intégration dans l’OTAN que je sache. »
Tout à fait, ce qui illustre bien la soumission consentie des pays occidentaux à l’empire US dont je parlais.
« c’était mieux du temps de l’ère soviétique ? »
Il y’avait au moins la possibilité de jouer un pole contre l’autre et de se dégager ainsi une marge de manœuvre, même pour les puissances de moindre importance.
« Justement parlons en. »
Oui, parlons-en : les US ne sont pas intervenus en Irak et en Lybie pour virer des dictateurs, ça c’est une fable. Les US soutiennent eux-mêmes des dictateurs, en Arabie Saoudite, dans les pétro-monarchies, au Rwanda et j’en passe, et ça ne les dérange pas. Donc ce n’est pas là la raison, les US ne sont pas en croisade contre les dictatures, ils servent avant tout leurs intérêts géostratégiques.
Ensuite : oui, ces pays étaient des dictatures. Et donc ? Ça donne le droit de les détruire ? De tuer des millions de gens ? Tu dégommes un pouvoir en place par la force, et l’anomie s’installe mais ce n’est pas ta faute, c’est juste que les cons locaux n’ont pas compris les valeurs « démocratiques américaines ». Sans blague ? Partons du principe que certains peuples ne parviennent pas à dépasser le stade de dictature. Bah qu’ils leur foutent la paix, comme ils foutent la paix aux dictatures qui sont leurs vassales.
« Les interventions des US sont aussi demandées par les gens des pays dont tu parles. »
Mais oui bien sûr. Là on entre en plein dans les méthodes de subversion à l’américaine.
Quand l’empire américain veut vassaliser un pays, ses services de renseignements se mettent en mouvement selon une procédure éprouvée : Identifier et répertorier dans le pays ciblé les forces d’oppositions, les recruter, les former à l’action paramilitaire et à la guérilla, mener une action de propagande affirmant que cette opposition est majoritaire et enfin renverser le régime en utilisant les pions qui ont été recruté et/ou en envoyant directement des troupes. Et bien sur, on entend jamais ceux qui sont contre la vassalisation et l’inféodation de leur pays, quand bien même ils seraient majoritaires.
Voilà exactement pourquoi cet empire représente un danger.
« Les Afghan ont bien réussit à les virer, preuve que l’influence / emprise n’est pas si forte que tu ne le dis »
Je ne vois pas en quoi l’exemple Afghan me contredit, je n’ai pas dit qu’ils sont invincibles : c’est faux, certains ont pu leur résister. Mais au prix de centaine de milliers, voir de millions de morts.
Excellente vidéo.
Sur le mythe de la dédollarisation, c’est presque mot pour mot ce que je disais en commentaire dans un autre article.
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